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Le Carême
Le jeûne absolu de un ou deux jours que rompait l'eucharistie de la nuit pascale fut précédé de bonne heure d'un jeûne un peu moins rigoureux des premiers jours de la semaine comme en témoigne la Didascalie des Apôtres au III° siècle pour une région orientale :
" Depuis le lundi, durant les jours de la Pâque, vous jeûnerez, et vous ne mangerez que du pain, du sel et de l'eau, à la neuvième heure jusqu'au jeudi ".
Ce jeûne de purification en vue de célébrer la Pâque du Christ devait s'étendre à toute l'Eglise dans le cours du IV° siècle sur une période de quarante jours, qu'on appela la Quadragesima, le carême.
Origine et évolution du Carême.
L'origine et le contenu du carême.
Indépendamment du jeûne pascal, un jeûne de quarante jours apparut en Egypte dès la fin du III° siècle ou le début du IV°. Il avait pour but moins, semble-t-il, de préparer la Pâque que de célébrer le jeûne du Seigneur au désert dans les semaines qui suivirent son baptême. Mais très tôt il prit la forme d'une préparation pénitentielle à la célébration de la mort et de la résurrection du Seigneur : "Célébrons la Fête non pas avec de vieux ferments", avait dit saint Paul (1Co 5, 8). Le jeûne observé durant ces jours n'était qu'une extension au lundi, au mardi et au jeudi du jeûne observé tout au long de l'année, hors le temps pascal, le mercredi et le vendredi, Rome y ajoutant le samedi.
Le Seigneur n'a jamais séparé dans son enseignement le jeûne de l'aumône et de la prière (Mt 6, 1-18). Les Pères de l'Eglise devaient le rappeler chaque année au peuple avec insistance, comme en témoignent en particulier les sermons de saint Léon le Grand. Aussi le jeûne s'accompagna-t-il toujours de réunions de prière à l'écoute de la parole de Dieu.
Lorsqu'au IV° siècle le catéchuménat reçut une organisation ferme, le carême offrit un cadre approprié pour l'ultime préparation des catéchumènes au baptême dans la nuit sainte. Dieu ayant réconcilié les hommes avec lui par la mort et la résurrection de son Fils, la nuit pascale semblait aussi s'imposer pour admettre à la communion les pécheurs qui avaient accompli leur temps de pénitence, et le carême les prépara à leur réconciliation. Celle-ci, on le sait, avait lieu à Rome le jeudi saint.
C'est ainsi que, dès le temps d'Augustin et de Chrysostome, le carême possédait les traits qu'il devait conserver par la suite : temps de jeûne, de partage et de prière pour tout le peuple chrétien, temps de préparation au baptême pour les catéchumènes et de préparation à la réconciliation pour les pénitents.
Les développements du carême à Rome.
Les étapes.
A Rome, le temps de préparation à Pâques a consisté d'abord, semble-t-il, dans l'observation du jeûne de toute la semaine précédant la nuit sainte. La semaine s'ouvrait, le dimanche, par la lecture de la Passion. L'assemblée du mercredi ne comportait pas plus la célébration de l'eucharistie que celle du vendredi saint. C'est ce jour-là que l'on continua le plus longtemps à dire l'Oratio fidelium en dehors du vendredi saint.
Dans le cours du IV° siècle, apparaît une période de trois semaines de préparation à Pâques. Ces trois semaines furent comptées en remontant du dimanche de la Résurrection jusqu'au dimanche Laetare. La procession qui devait, plus tard, conduire, ce jour-là, le pape du Latran à la basilique Sainte-Croix-en-Jérusalem, le nom de dimanche médian, in mediana, conservé longtemps par le dimanche suivant, et le fait que ce dimanche médian était consacré aux ordinations, comme celui qui clôture le jeûne des Quatre-Temps, constituent autant de vestiges de cette préparation pascale de trois semaines. Peut-être faut-il rappeler aussi que cette période coïncide avec la lecture de l'évangile selon saint Jean.
Le jeûne de quarante jours, le "carême", dut naître à Rome entre 354 et 384. Le dimanche d'ouverture des six semaines de jeûne, premier dimanche du carême, tombait exactement le quarantième jour avant le début du triduum sacrum. Le jeûne quadragésimal se distinguait ainsi nettement du jeûne pascal. Mais, Si le jeûne était observé chaque jour du lundi au samedi, les assemblées officielles ne se tenaient encore, au temps de saint Léon le Grand, que les lundi, mercredi et vendredi, et on n'y célébrait pas l'eucharistie. Au début du VI° siècle, les lundi, mardi et samedi (sauf celui de la cinquième semaine), étaient devenus à leur tour jours d'assemblée et celle-ci comportait l'eucharistie. A cette époque, le jeûne du mercredi et du vendredi précédant le dimanche d'ouverture du carême lui fut rattaché pour assurer quarante jours de jeûne effectif, en y intégrant le jeûne pascal. En effet, le dimanche a toujours exclu le jeûne de la manière la plus formelle. Ce n'est qu'au VIII° siècle, avec le pape Grégoire II (715-731), que les jeudis du carême furent pourvus de formulaires liturgiques.
L'organisation.
Le premier dimanche du carême ouvre, au temps de saint Léon, la préparation à la célébration du paschale sacramentum. On y lit l'appel de saint Paul : Ecce nunc tempus acceptabile et le récit de la tentation de Jésus au désert. L'évêque invite les fidèles à un service plus empressé du Seigneur. Il relève que "sur toute la surface de la terre des milliers de milliers d'hommes se préparent à leur régénération dans le Christ". En même temps, le démon "voit ceux qui étaient tombés se laver dans les larmes de la pénitence et être admis aux remèdes de la réconciliation, la clef apostolique leur ouvrant les portes du pardon". Le second dimanche du carême, saint Léon commente la transfiguration de Jésus, qui met en scène les trois protagonistes du jeûne de quarante jours, le Christ, Moïse et Élie. Mais on ne trouve dans ses sermons aucun renseignement sur la manière dont les scrutins sont célébrés.
Les trois scrutins dominicaux.
Cinquante ans après saint Léon le Grand, le diacre romain Jean expose longuement les rites du catéchuménat en réponse à une lettre que lui avait adressée un haut fonctionnaire de la cour de Ravenne pour lui demander, entre autres, pourquoi il y avait trois scrutins. Ces scrutins étaient célébrés les III°, IV° et V° dimanches du carême, ainsi qu'en témoigne le Sacramentaire gélasien. On y lisait très probablement les trois évangiles de la Samaritaine, de l'Aveugle-né et de Lazare, selon l'usage des autres Eglises d'Occident.
Les sept scrutins célébrés en semaine.
Dans la seconde moitié du VI° siècle, les scrutins furent transférés en semaine et portés au nombre de sept. Le remplacement du baptême des adultes par celui des enfants dans la nuit pascale fut certainement la raison de ce transfert. Il entraîna avec lui le transfert en semaine des trois évangiles avec les lectures correspondantes. Cet usage s'est perpétué jusqu'en 1969.
L'anticipation du jeûne quadragésimal : le mercredi des cendres.
Au début du VI° siècle, on voulut assurer quarante jours de jeûne effectif, le dimanche échappant à cette pratique, et on le fit commencer le mercredi précèdent, qui ouvrit dès lors le carême. L'Ordo 22 de la fin du VIII° siècle en a laissé la description. Tout le peuple se réunissait à Sainte-Anastasie, au pied du Palatin. Le pape ouvrait la célébration, puis on montait en procession sur l'Aventin pour la première messe quadragésimale à Sainte-Sabine.
Au cours de la procession on chantait l'antienne Immutemur habitu in cinere et cilicio. Dans les pays rhénans, au X° siècle, on voulut donner une expression sensible au texte liturgique qui, à Rome, était pris au sens spirituel, en instituant le rite de l'imposition des cendres. Le fait de se couvrir de cendres en signe de pénitence et de deuil est abondamment attesté dans l'Ancien Testament (Jos 7, 6 ; 2S 13,19 ; Ez 27,30 ; Job 2, 12 et 42, 6 ; Jon 3,6; Est 4, 3) et les chrétiens des premiers siècles ont souvent adopté cet usage en privé. Il devint pour les pécheurs une manifestation publique de leur pénitence, mais la pratique n'avait aucune connotation liturgique. Aux X° - XI° siècles, l'usage rhénan pénétra en Italie. Un Concile de Bénévent de 1091 décrète : " Le mercredi des cendres, tous les clercs et laïcs, hommes et femmes, recevront les cendres". Le rituel rhénan passa au XII° siècle dans le Pontifical romain. A cette époque, le rite était encore extérieur à la liturgie papale proprement dite. Ce n'est qu'au XIII° siècle que le pape se soumit lui-même à cette démarche pénitentielle.
Le temps de la Septuagésime.
L'anticipation du jeûne quadragésimal n'est pas une pratique spécifiquement romaine. On la trouve en Orient, mais aussi dans les diverses régions d'Occident, de l'Italie et la Provence à l'Espagne, de la Gaule franque à l'Angleterre et l'Irlande. C'est une pratique d'ascèse monastique, qui s'étendit rapidement dans le peuple, mais on ne saurait dire en quoi elle consistait en dehors de la célébration liturgique. Les dimanches de la Quinquagésime, de la Sexagésime et de la Septuagésime apparurent successivement.
La Quinquagésime est attestée à Rome vers 520. C'est l'époque où elle apparaît aussi en Provence et à Turin. Peu après, le IV° Concile d'Orléans (541) mentionne la Sexagésime, attestée aussi en Provence et à Turin dans les mêmes années. On peut conjecturer sa présence à Rome vers la même époque, car bientôt devait y apparaître la Septuagésime (fin du VI° ou début du VII° siècle). Mais cette dernière demeura confinée à Rome durant tout le VII° siècle. L'ensemble des trois semaines préparatoires au carême devait s'imposer à tout l'Occident avec la diffusion des livres liturgiques romains dans le cours du VIII° siècle.
La dernière semaine du carême : la semaine sainte.
Le dimanche de la Passion et des Rameaux.
"Le dimanche où l'on entre dans la semaine pascale, appelée la grande semaine" on célébrait à Jérusalem, à la fin du IV° siècle, l'entrée triomphale de Jésus dans la Ville sainte, en refaisant le parcours suivi par le Seigneur et ses disciples. Tout le peuple se rassemblait au milieu de l'après-midi autour de l'évêque sur le Mont des Oliviers dans la basilique de l'Eléona, puis on montait à l'Imbomon. Vers cinq heures du soir, on lisait le récit évangélique et on descendait de la colline pour entrer dans la Ville. La procession se rendait à l'Anastasis, où avait lieu le lucernaire. De Jérusalem la procession se répandit dans tout l'Orient, où le dimanche d'ouverture de la grande semaine devint le dimanche des Rameaux.
A Rome, au contraire, au temps de saint Léon le Grand, le VI° dimanche du carême était le dimanche de la Passion. On y lisait la Passion selon saint Matthieu. Le pape commentait la première partie du récit, reportant au mercredi suivant son explication de la seconde partie.
Ce même dimanche était en Espagne et en Gaule le dimanche de la remise du symbole aux futurs baptisés, la Traditio symboli, qui était accompagnée de l'onction sur les oreilles, l'effeta. Dans cette célébration on lisait comme évangile Jean 12, 1-25, qui rapporte l'onction de Béthanie et l'entrée de Jésus à Jérusalem. Aux VII° - VIII° siècles, on constate que la piété populaire s'attache davantage à la seconde partie du récit qu'à la première. On vient à l'église avec des palmes et des branchages, qu'on agite en clamant Hosanna. Rome n'est pas sans faire un écho discret à cette acclamation, en intitulant ce jour : Dominica in palmas de passione Domini (Sacramentaire gélasien, n. 329) ou même : Die dominico ad palmas (Sacramentaire grégorien, n. 281).
Il faut toutefois attendre le début du IX° siècle pour trouver des attestations fermes de la procession des Rameaux en Occident avec l'hymne Gloria laus, composée par Théodulphe, évêque d'Orléans (+ 821), et l'allusion que fait Amalaire de Metz (+ 853) à l'usage de sa région, qui est de porter des rameaux per ecclesias et de clamer Hosanna. Quand la procession est-elle entrée dans la liturgie papale ? Peut-être faut-il y voir une allusion dans le fait qu'en 886 et 887 le pape Etienne V envoya à l'empereur Charles - le - Gros ramos palmarum, triumphi typum ferentes, apostolica benedictione. Elle y est attestée sûrement à la fin du XI° siècle par l'Orational de Saint-Pierre.
La procession des Rameaux.
Dès qu'elle eut été adoptée par les diverses Eglises d'Occident, la procession des Rameaux prit un caractère triomphal. C'était une véritable fête du Christ - Roi. A partir des X° - XI° siècles, Ordinaires des cathédrales et Coutumiers des monastères devaient lui faire une place de choix dans leurs descriptions de l'année liturgique. C'est hors des murs de la cité que se réunit le peuple pour la bénédiction des Rameaux. On y fait la lecture de l'évangile et on part en procession vers le lieu de la station à la croix. Les écoliers et les enfants de la schola étendent leurs manteaux devant la croix, d'autres y jettent des palmes ou des rameaux, puis les divers groupes viennent se prosterner, tandis qu'on chante l'antienne Ave Rex noster. La procession repart vers la porte de la ville. Souvent on porte triomphalement le livre des évangiles ou même le Saint - Sacrement. C'est à la porte de la ville que, la plupart du temps, les enfants juchés sur les remparts, chantent le Gloria laus, puis le répons Ingrediente Domino. En plusieurs régions, l'évêque, à son entrée dans la ville, a le privilège de libérer quelques prisonniers. Lorsque tous ont pénétré dans l'église on commence la messe de la Passion.
A Rome, la procession des palmes reçut le même déploiement populaire dans les diverses églises, mais la liturgie papale ne lui donna jamais un grand éclat. Le pape se contente de distribuer des palmes bénites dans une chapelle du palais du Latran, puis la procession descend vers la basilique par l'itinéraire le plus court. La seule solennisation de cette procession d'entrée de la messe tient au fait que tous portent des palmes à la main et qu'on chante les antiennes du jour avec le Gloria, laus.
La matinée du jeudi saint : La réconciliation des pénitents.
La réconciliation des pénitents, qui avait déjà lieu à Rome le jeudi saint à la fin du IV° siècle, est longuement décrite dans le Sacramentaire gélasien du VII° siècle. Celui-ci contient deux rituels successifs ad reconciliandum paenitentem. Dans le premier, qui appartient à la liturgie papale, un diacre adresse à l'évêque une longue supplique : Adest, o venerabilis Pontifex, où il le prie avec instance d'admettre les pécheurs pénitents à la réconciliation, en ces jours où l’Eglise va engendrer de nombreux fils par le baptême. La réconciliation n'est - elle pas un nouveau baptême ? Lavant aquae, lavant lacrymae. L'évêque dit ensuite une prière dans laquelle il demande à Dieu de rétablir le pénitent dans la communion de l’Eglise.
Le rite de la réconciliation des pénitents le jeudi saint s'est perpétué bien après la disparition de la pénitence antique et il a laissé des traces dans certaines régions jusqu'au milieu du XIX° siècle sous la forme de l’absoute donnée le jeudi saint après la récitation des psaumes de la pénitence. Mais on précisait aux fidèles qu'il ne fallait pas prendre cette absolution pour sacramentelle, seulement pour "une prière et une bénédiction très salutaire que le pasteur fait sur le peuple". C'était le jeudi absolu.
La confection du saint Chrême et la bénédiction des huiles.
Selon le I° Concile de Tolède (400), l'évêque pouvait confectionner le chrême en tout temps. Mais l'usage s'établit de le faire le jeudi saint, au cours de la dernière messe célébrée avant la Nuit sainte, où l'on devait l'utiliser pour l'onction post-baptismale et la confirmation. Dans une homélie de saint EIi, évêque de Noyon (+ 660), on lit qu'"en ce jour (le jeudi saint) dans le monde entier on consacre le chrême". A Rome, le pape le faisait lors de l'unique messe célébrée au Latran en mémoire de la Cène. Dans la matinée, les prêtres attachés à des églises titulaires célébraient une messe particulière pour bénir l'huile des catéchumènes et celle des malades. Quand le Sacramentaire gélasien arriva en pays francs (VIII° siècle), un compilateur introduisit dans le texte de la messe presbytérale celui de la confection du chrême. On eut ainsi une Messe chrismale. Rome ne devait l'adopter qu'en 1955.
Célébration du Carême.
L'ouverture du carême.
Conformément à ses origines, le rite de la bénédiction et de l'imposition des cendres avait lieu, jusqu'en 1970, avant le début de la messe. Dans le nouveau Missel on a voulu qu'il prenne place au terme d'une liturgie de la parole, que celle-ci soit suivie ou non de l'eucharistie. Il s'agit donc d'une célébration pénitentielle.
Pour les lectures, après l'appel de Joël à une démarche communautaire de pénitence (Joël 2, 12-18), vient l'invitation que saint Paul adresse aux chrétiens de se laisser réconcilier avec Dieu (2Co 5, 20-6, 2). On écoute ensuite l'enseignement de Jésus sur la manière dont ses disciples doivent faire l'aumône, prier et jeûner (Mt 6, 1-18).
Depuis son entrée en usage, l'imposition des cendres se faisait avec la formule de la Genèse : " Souviens-toi que tu es poussière" (Gn 3,19). On peut désormais dire à la place les paroles du Seigneur : "Convertissez-vous et croyez à l'Evangile" (Mc 1, 15). L'appel à la conversion, qui avait déjà retenti avec Joël, se substitue à la considération du caractère mortel de l'homme.
Les lectures des messes du Carême.
Les lectures dominicales.
Les lectures des dimanches du carême ont deux pôles : l'Ancien Testament et l'évangile, la seconde lecture éclairant tantôt l'une, tantôt l'autre, le plus souvent l'évangile.
Chaque année, les lectures paléotestamentaires des cinq premiers dimanches veulent rappeler les grandes étapes de la montée de l'humanité vers la Pâque du Christ. On a ainsi successivement le dimanche des alliances originelles (la chute, l'alliance avec Noé, la profession de foi du peuple élu), le dimanche d'Abraham (la vocation d'Abraham, le sacrifice d'Isaac, l'alliance de Dieu avec Abraham), le dimanche de Moise (Moïse frappe le rocher, la Loi donnée à Moïse, Dieu révèle son Nom à Moïse), le dimanche du peuple de Dieu vivant dans la Terre sainte (David, l'exil et le retour, la Pâque de la terre promise), enfin le dimanche des prophètes (Ézéchiel, Jérémie, Isaïe).
Les premier et deuxième dimanche, on lit le récit de la tentation et de la transfiguration de Jésus selon l'un des trois synoptiques. Pour les trois dimanches suivants, viennent, dans l'année A, les évangiles majeurs de la catéchèse baptismale : la révélation du Christ à la Samaritaine, la guérison de l'Aveugle-né et la résurrection de Lazare. On peut les lire aussi aux années B et C. Mais deux autres séries d'évangiles sont aussi proposées au choix pour ces années : l'une annonce l'exaltation du Christ par son élévation sur la croix (B), et l'autre invite à la conversion, en révélant la miséricorde du Seigneur (C).
Durant le carême, on ne lit plus les lettres apostoliques en lecture semi - continue, mais, chaque dimanche, elles sont choisies pour aider à faire le lien entre la lecture de l'Ancien Testament et le mystère du Christ ou pour préparer à l'audition de l'évangile.
Les lectures de semaine.
Le lectionnaire a conservé les traits fondamentaux du lectionnaire antérieur : la première lecture est toujours tirée de l'Ancien Testament ; on commence avec la quatrième semaine la lecture de l'évangile selon saint Jean ; enfin la plupart des péricopes traditionnelles ont été conservées. Il a subi toutefois une profonde refonte. Celle-ci s'imposa d'abord en raison du transfert au dimanche des lectures les plus importantes, qui étaient faites en semaine, tels les évangiles de la Samaritaine, de l'Aveugle-né, de Lazare ou du Fils prodigue, avec les lectures paléotestamentaires qui les accompagnaient. La disparition des lectures attachées aux Quatre-Temps de printemps rendit, elle aussi, indispensable une nouvelle distribution de l'ensemble. En ce qui concerne la lecture de l'évangile johannique à partir de la quatrième semaine, celle-ci a été disposée d'une manière plus ordonnée : il s'agit désormais d'une véritable lecture semi-continue à partir de Jean 4, 43, des chapitres 5, 7, 8, 10 (31-42), 11 (45-56), 12 (1-11), 13 (21-36).
Les prières des messes de carême.
Durant le carême, la Prière eucharistique est enrichie de douze préfaces : six d'entre elles se rattachent à des dimanches déterminés (Tentation, Transfiguration, Samaritaine, Aveugle-né, Lazare, Rameaux) ; six autres sont des préfaces du carême in genere ou de la Passion (ces deux dernières attribuées respectivement à la cinquième semaine et à la semaine sainte). Toutes proviennent de sources anciennes ou ont été composées à partir de sources anciennes, comme les sermons de saint Léon le Grand.
Il en va de même pour les oraisons. A s'en tenir aux collectes dominicales, une seule a été retenue de l'ancien Missel, celle du dimanche de la Passion. La collecte du I° dimanche, provenant du Sacramentaire gélasien, expose le but du carême, qui est de "progresser dans la connaissance de Jésus Christ et de nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle " Celle du II° dimanche a trait à la transfiguration de Jésus et celle du III° rappelle que nous devons guérir du péché "par le jeûne, la prière et le partage". Le IV° dimanche, qui est le dimanche Laetare, on évoque "les fêtes pascales qui approchent", tandis que, le V° dimanche, il est fait référence au Christ, "qui a donné sa vie par amour pour le monde".
Pour les messes de la semaine, on a conservé un plus grand nombre d'oraisons provenant du Sacramentaire grégorien à travers le Missel tridentin : 23 collectes appartiennent à ce dernier, contre 14 qui ont été puisées à d'autres sources. On a voulu, en particulier, rattacher au carême plusieurs anciennes collectes dominicales qui se réfèrent à la faiblesse de l'homme et à la toute-puissance de la grâce.
Le dimanche de la Passion et des Rameaux.
L'Ordo de rénovation de la semaine sainte avait donné, en 1955, à la procession des rameaux une ampleur qu'elle n'avait jamais connue dans le Missel romain, et qui rejoignait les traditions médiévales évoquées ci-dessus.
Avant 1955, la bénédiction des rameaux avait lieu à l'intérieur de l'église au cours d'une liturgie de la parole, qui comportait deux lectures (dont le récit de l'entrée de Jésus à Jérusalem) et neuf oraisons, avec une préface couronnée par le Sanctus. Le clergé seul sortait de l'église pour la procession, tandis que le peuple attendait son retour. L'Ordo de 1955 prescrivit que le peuple participât à la procession et que celle-ci se développât avec quelque ampleur. Il demandait de rassembler les fidèles et de bénir les rameaux, Si possible, en dehors de l'église, de manière à ce que la procession retrouve sa signification primitive, qui consiste dans un cheminement d'un point à un autre. Quant au rite de la bénédiction des rameaux, il était ramené à une seule oraison, que suivait l'évangile de l'entrée triomphale de Jésus dans la Ville sainte. Tout en conservant les chants traditionnels, dont le Gloria laus, il enrichissait le répertoire d'anciennes antiennes, dont l'antienne Ave, Rex noster, chère aux pays francs.
Le Missel de 1970 s'est approprié les règles établies en 1955. Mais, les conditions de vie ayant évolué, il a dû s'y adapter. Dans les villes, il est souvent impossible désormais de faire "la procession solennelle en l'honneur du Christ Roi", souhaitée en 1955. Parfois les conditions politiques ou sociales s'y opposent. Aussi les règles ont-elles été amenées à s’assouplir, tout en conservant l'essentiel de la liturgie du jour. C'est ainsi qu'à côté de la procession extérieure, on a prévu le rassemblement du peuple au seuil de l'église pour y bénir les rameaux et y lire l'évangile, avant d'y entrer processionnellement. On peut même se contenter, en cas de nécessité, d'une simple entrée du prêtre et de ses ministres, tous les fidèles tenant leurs rameaux en mains.
A la messe, on lit la Passion selon l'un des Synoptiques, celui qui fournit la trame de la lecture évangélique dans l'année en cours.
La semaine sainte.
La semaine sainte, qu'ouvre le dimanche de la Passion, recouvre à la fois les derniers jours du carême, jusqu'au soir du jeudi, et les deux jours du Triduum pascal. Elle ne jouit donc pas d'une véritable unité liturgique.
Lundi, mardi et mercredi saints.
Avant 1970, on lisait chaque année les quatre évangiles de la Passion au cours de la semaine sainte : le dimanche des Rameaux selon saint Matthieu, le mardi saint selon saint Marc, le mercredi selon saint Luc et le vendredi selon saint Jean. Du fait que les Synoptiques sont lus désormais le dimanche sur trois années, la lecture de la Passion le mardi et le mercredi est remplacée par l’annonce de la trahison de Judas et du reniement de Pierre, le mardi (Jn 13, 21-38), et par les préparatifs du repas pascal, le mercredi (Mt 26, 14-25).
Jeudi saint : la messe chrismale.
La matinée du jeudi saint est marquée par le rassemblement des prêtres de la ville et des délégués des paroisses du diocèse pour concélébrer la messe chrismale. Le peuple est invité à s'associer en nombre à la célébration. Toutefois celle-ci peut être anticipée de quelques jours de manière à permettre à un plus grand nombre de prêtres d'y prendre part. Le pape Paul VI a voulu, en effet, que la Messe chrismale soit une fête du sacerdoce, dans laquelle les prêtres pourraient renouveler en présence de leur évêque les engagements qu'ils ont pris lors de leur ordination "par amour pour le Christ et pour le service de l’Eglise".
Les rites de la confection du chrême et de la bénédiction des huiles sont étudiés avec la liturgie des sacrements. Les lectures de la messe mettent en lumière le caractère sacerdotal du peuple de Dieu : "vous serez appelés les prêtres du Seigneur" (I° lecture, Is 61,1-9) ; le Christ " a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père" (2° lecture, Lc 4,16-21). La préface de la Prière eucharistique, qui est une composition nouvelle de belle facture, développe la théologie du sacerdoce chrétien : le Christ, "unique prêtre de l'alliance nouvelle" a donné "à tout le peuple des rachetés la dignité du sacerdoce royal" et il a choisi dans son peuple "ceux qui, recevant l'imposition des mains, auront part à son ministère".