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Les signes liturgiques.
Depuis les débuts du mouvement liturgique, et surtout depuis la publication du livre célèbre de Guardini, Les signes sacrés, historiens et théologiens ont souligné l'importance et le rôle des signes dans la liturgie. Remarquons aussitôt que l'anthropologie moderne préfère le terme de "symbole" pour marquer le pouvoir évocateur naturel de la réalité signifiante, par opposition à la signification conventionnelle et arbitraire attribuée au "signe". Cependant il faut se rappeler que le noyau de toute la symbolique liturgique est constitué par les sacrements chrétiens. Or la théologie classique les définit comme des "signes" efficaces de ce qu'ils signifient (significando causant) : à cause de cela, il semble bon de garder le terme traditionnel de "signe".
Les signes liturgiques constituent d'abord un langage qui prolonge ou intensifie la parole : leur pouvoir évocateur facilite l'intelligence du message, d'autre part, ils expriment la force des sentiments intérieurs. Mais la liturgie n'est pas seulement parole, dialogue entre Dieu et son peuple : elle est action, alliance ; Dieu agit et le peuple s'engage : l'action de Dieu et ses dons se réaliseront à travers des signes et essentiellement par les sacrements ; l'engagement du peuple de Dieu se scelle dans des gestes, des rites et pas seulement par des paroles. Ou plutôt, parole et action sont liées pour ne constituer qu'un seul et même signe - la scolastique disait : matière et forme.
La pensée théologique, depuis les Pères jusqu'au II° Concile du Vatican, a montré que non seulement les sept sacrements étaient prolongés et comme irradiés dans le culte chrétien par d'autres signes que l'on a progressivement appris à distinguer des sacrements (sacramentalia), mais encore que les sacrements avaient leur fondement dans le sacrement essentiel qu'est l'incarnation : l'humanité du Christ est signe de la présence invisible de sa divinité - ce qu'exprime le terme grec mysterion mieux que le latin sacramentum - et l'on affirme aussi à juste titre que c'est l'Église elle-même qui est sacrement, manifestation et présence du salut.
Ainsi toute la liturgie est la mise en œuvre du signe : l'assemblée, avons-nous vu, est signe ; et de même l'évêque ou le prêtre qui la préside et les diacres qui y accomplissent leur ministère. Le temps, avec son rythme périodique du jour, de la semaine et de l'année est également signe. Quant aux sacrements et aux principaux sacramentaux, qui sont au cœur de la liturgie, ils feront l'objet ultérieurement d'une étude spéciale.
Cependant, il faut reconnaître que la présence et l'intelligence des signes liturgiques ont connu à notre époque une profonde remise en question. Tantôt au nom d'une religion "en esprit" qui s'opposerait au ritualisme, tantôt au nom d'une spontanéité qui serait incompatible avec la réglementation des signes. Il y a aussi la réaction individualiste contre l'engagement communautaire, la tendance de nos sociétés modernes sécularisées et des mentalités techniques. Mais cette remise en question s'imposait aussi par fidélité à la tradition même de l'Église, pour élaguer les superfétations dont le passé avait surchargé les signes et les interprétations artificielles qu'il leur avait projetées. D'où les consignes données par le II° Concile du Vatican :
" Organiser les textes et les rites de telle façon qu'ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu'ils signifient.
Les rites manifesteront une noble simplicité, seront transparents du fait de leur brièveté et évideront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité des fidèles et, en général, il n'y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre.
Au cours des âges sont entrés dans les rites des sacrements et des sacramentaux des éléments qui, à notre époque, ne permettent pas d'en voir assez clairement la nature et la fin ; il est donc besoin d'y opérer certaines adaptations aux nécessités de notre temps".
Enfin l'adaptation de la liturgie chez les peuples de culture non européenne met en cause la signification de certains signes au regard de ces cultures.
La réforme promue par Vatican Il et les nécessités de l'adaptation exigent donc une étude plus approfondie des lois du symbolisme liturgique, aidée par l'apport des sciences modernes de l'homme.
Lois du symbolisme liturgique.
Le symbole comporte trois faces : "en tant que signifiant, il a un sens et est susceptible de devenir contenu mental ; en tant qu'objet perceptible, il s'insère dans l'univers matériel ; et dans la mesure où le lien entre les deux premiers aspects est le fait d'un consensus, il est fait social". On ne peut donc faire abstraction du caractère institutionnel des actions symboliques ; à plus forte raison quand il s'agit des signes du culte chrétien, prescrits par la coutume ou par les livres liturgiques, leur signification est exprimée ou suggérée par la parole qui accompagne éventuellement le signe, ou bien par l'histoire du rite : la science de l'origine aide à retrouver la signification, d'autant que, avec le temps, le signe peut s'être déformé, amenuisé ou au contraire compliqué. Mais les signes liturgiques ne sont pas arbitraires, conventionnels.
Ils ont été parfois empruntés à la cité, à la culture ambiante, qui déjà les utilisait comme signes. Le moyen âge féodal, le cérémonial de Byzance, celui des cours de la Renaissance ont pareillement laissé leur empreinte sur les liturgies chrétiennes. Mais ces emprunts, valables peut-être pour un temps, sont tout de même grevés d'ambiguïté, car ils risquent de compromettre l'originalité évangélique de l'Église et d'ailleurs ils ne peuvent être durables ni universels.
On rend compte plus volontiers du choix des signes pour leur aptitude naturelle à leur signification : "l'affinité de certains phénomènes sensibles, surtout s'ils se présentent à l'échelle cosmique, avec des aspects de la condition humaine est indéniable : tout ne peut pas symboliser n importe quoi et certaines représentations ont une capacité symbolique privilégiée". Cette aptitude est constatée par l'histoire, la sociologie, la psychologie des profondeurs. Il faut déchiffrer le langage que Dieu a inscrit dans la création, dans les choses, qu'il a confié même aux replis de l'âme humaine ; ce langage est d'ailleurs d'autant plus perceptible que les signes sont élémentaires, primitifs, dépouillés, et cela même (et peut-être surtout) face à nos civilisations industrielles et nos mentalités techniques. Pourtant, même là intervient une interprétation culturelle : ici le noir symbolise le deuil, en Extrême-Orient ce sera le blanc.
En fait, la plupart des signes liturgiques sont des signes bibliques, dont l'intelligence est donnée par l'Ecriture sainte, qui a formé et nourri l'imaginaire chrétien. C'est comme signes bibliques que les signes sacramentels signifient la grâce qu'ils contiennent ; l'eau du baptême n'est pas seulement l'eau qui lave ; l'eucharistie n'est pas un repas quelconque, mais un repas historique, mémorial de la Cène ; l'onction chrismale ne peut se comprendre que comme geste de consécration des rois et des prêtres de l'Ancien Testament. Tout au long des actions liturgiques, en faisant les gestes de la prière, en agissant, nous refaisons les gestes et les actions de ceux qui nous ont précédé dans la foi depuis Abraham. La liturgie reproduit les images que la Bible nous a rendues significatives de l'histoire du salut.
La transparence des signes liturgiques peut être obscurcie par les déficiences de leur utilisation. Ils risquent de se dégrader par le fait de la routine humaine et de l'inattention. Les gestes doivent être accomplis de façon à être vus et compris, mais sans affectation théâtrale : il faut qu'ils demeurent hiératiques, dépouillés de tout sentimentalisme ; l'homme individuel s'efface devant l'acte de l'Église et du Christ. Dans l'usage des choses, une tendance trop fréquente pousse à la parcimonie, qui a pour conséquence d'amenuiser le signe et de lui ôter son symbolisme : ablution réduite à quelques gouttes d'eau, onction qui n'est plus que le contact d'un doigt humide, encensement dont la fumée n'est guère visible et dont le parfum n'est pas perçu.
Enfin la signification des rites a souvent été obscurcie également par les commentaires allégoriques, oublieux ou ignorants de la véritable origine des signes et recherchant soit des rapprochements artificiels avec des textes bibliques interprétés de façon fantaisiste, soit des leçons édifiantes. Ce genre d'interprétation apparaît déjà parfois chez saint Ambroise et se développera chez Théodore de Mopsueste puis chez les commentateurs byzantins ; l'époque carolingienne l'imposera à tout le moyen âge latin et il a eu une résurgence au XIX° siècle.
Attitudes, gestes, actions.
La liturgie et le corps de l'homme.
La liturgie est un sujet d'étonnement, voire de désarroi pour quiconque est imprégné d'une mentalité idéaliste : loin d'être une simple prière mentale, elle s'exprime par les lèvres, elle se traduit par des attitudes corporelles, par des gestes ; attitudes et gestes qui ne sont pas laissés à la libre spontanéité de chacun, mais qui sont fixés par des lois constantes.
C'est que la Révélation et les saintes Ecritures nous "apprennent non à dissocier le corps et l'âme, mais à discerner l'unité du composé humain, tel que Dieu l'a créé et que Dieu le sauve. Dans l'homme, le matériel et le spirituel ne sont pas juxtaposés, ils sont unis et cette union n'est pas une composition de deux choses distinctes, mais la corrélation interne de deux éléments d'un seul et même être ; cette union est proprement une unité, et une unité substantielle ; c'est pourquoi un culte purement spirituel non seulement ne serait pas humain et devrait être rejeté, mais il est impossible. Le corps, destiné à la Résurrection glorieuse, est déjà devenu ici-bas temple du Saint Esprit par le baptême ; il est nourri de l'eucharistie, et Tertullien soulignait dès le début du III° siècle que les sacrements sont accomplis sur le corps pour sanctifier l'âme. D'ailleurs, il n'est pas de sentiment authentique qui ne se traduise spontanément par l'attitude ou le geste ; et en retour, l'attitude, le geste, l'action commandent un tel engagement de tout l'homme, qu'ils expriment, intensifient ou même provoquent l'attitude intérieure : sur ce point, la psychologie et la pédagogie modernes confirment avec éclat la tradition des théologiens. Enfin ces signes sont requis par le caractère communautaire de la liturgie : l'unanimité des cœurs s'exprime au moins autant par les attitudes corporelles que par le chant, du moins c'en est une manifestation plus facile ; le langage de la parole, surtout de la parole du célébrant, reçoit une intelligence accrue par le geste. Le Christ a utilisé des gestes pour faire des miracles qu'un seul mot pouvait réaliser : il pouvait guérir l'aveugle-né sans salive et sans boue.
Attitudes liturgiques.
C'est traditionnellement aux diacres qu'il incombe de dicter au peuple ses attitudes par des "monitions" ou "proclamations", dont un bon nombre sont demeurées familières : Flectamus genua, Levate, Humiliate capita vestra Deo, Procedamus in pace, Ite missa est dans les livres romains, Humiliate vos ad benedictionem des livres médiévaux des églises de France, Pacem habete, Offerte vobis pacem du rite ambrosien, etc.
A défaut de diacre, c'est le prêtre lui-même ou un autre ministre qui guidera les attitudes de l'assemblée. On ne doit jamais oublier qu'il s'agit par-là de réaliser et d'exprimer une attitude intérieure ; c'est pourquoi surtout on expliquera aux fidèles le motif pour lequel ils doivent à certains moments se lever, s'asseoir, se mettre à genoux : ils y découvriront des aspects divers et complémentaires de la prière chrétienne.
Debout.
L'attitude debout est celle du ministre qui sert à l'autel, mais surtout elle est celle du prêtre qui sacrifie, comme le remarque saint Jean Chrysostome et selon la tradition d'Israël (Si 50, 13).
Pour les fidèles, c'est aussi l'attitude liturgique la plus fondamentale. Elle est d'abord, en son sens tout naturel et obvie, signe de respect : on se lève devant une personne que l'on veut honorer. C'est pourquoi l'assemblée doit être debout lors de l'entrée et de la sortie du célébrant ; elle se lève pour répondre à son salut. Elle est debout pendant la proclamation de l'évangile, de même que les Israélites écoutaient debout le Seigneur qui leur parlait (Ex 20, 21 ; 38, 10 ; Né 8, 5 ; Ez 2, 1 ; Dn 10, 11).
Mais c'était aussi l'attitude normale de la prière juive et c'est l'attitude caractéristique de la prière chrétienne, comme l'attestent les peintures des catacombes, les sculptures des sarcophages antiques, les écrits des premiers auteurs ecclésiastiques. C'est pourquoi aujourd'hui encore, les fidèles s'unissent debout à toutes les prières solennelles du célébrant.
C'est l'attitude typiquement pascale : c'est pourquoi la discipline antique et celle de l'Orient aujourd'hui interdisent de se mettre à genoux le dimanche et durant la cinquantaine pascale. Car le Christ nous a, par sa Pâque, délivrés du péché et de la mort ; nous ne sommes plus esclaves, nous ne nous tenons plus avec honte ; devant Dieu, nous demeurons, certes, pleins de respect, mais confiants, car nous participons à la dignité des fils : "L'usage de ne pas plier les genoux pendant le jour du Seigneur est un symbole de la résurrection par laquelle nous avons été libérés, grâce au Christ, des péchés et de la mort qui a été mise à mort par lui".
C'est aussi l'attitude de ceux qui attendent la bienheureuse Parousie : en face du Fils de l'homme, seuls demeureront debout ceux qui n'ont rien à redouter de sa justice (Ml 3, 2) ; c'est debout, sans doute, et prêts à partir en hâte que les Hébreux en Egypte ont mangé la Pâque (Ex 12, 11) ; c'est enfin l'attitude de l'action de grâces des élus au ciel (Ap 7, 9 ; 15, 2). La signification eschatologique complète et domine les autres, comme le remarquait saint Basile : "Ce n'est pas seulement parce que, ressuscités avec le Christ et devant chercher les choses d'en haut, nous rappelons à notre souvenir, en nous tenant debout quand nous prions, le jour consacré à la Résurrection, la grâce qui nous a été donnée, mais parce que ce jour-là parait être en quelque sorte l'image du siècle à venir".
A genoux.
L'importance de la prière debout ne doit pas faire méconnaître la place que garde la prière à genoux dans la tradition chrétienne. Car la joie pascale alterne avec la pénitence ; la prière à genoux est spécifiquement pénitentielle, caractéristique des jours de jeûne, signe de deuil, d'humilité, de repentir. Selon saint Basile, se mettre à genoux, "c'est montrer en action que le péché nous a jetés à terre".
Cependant, prier à genoux n'est pas exclusivement signe de la pénitence. C'est également l'attitude de la prière individuelle : on se met à genoux pour méditer en silence une lecture, comme le faisaient les moines d'Egypte ; saint Etienne, avant son martyre, s'était mis à genoux (Ac 7, 60), et nous retrouvons la même attitude observée pour la prière en des moments tout ordinaires par saint Pierre (Ac, 9, 40), saint Paul (Ac 20, 36), les chrétiens qui accompagnent Paul lors de son départ (Ac 21, 5) ; le même Paul nous dit qu'"il fléchit les genoux en présence du Père" (Ep 3, 14).
A une époque relativement récente, la piété occidentale a introduit des temps de prière à genoux pour adorer l'eucharistie, pour recevoir la communion. Dans ce dernier cas, l'attitude ne permettait pas aux fidèles de venir en procession et elle n'est guère compatible avec la communion reçue dans la main.
Assis.
Être assis est l'attitude du docteur qui enseigne et du chef qui préside : c'est pourquoi l'évêque a un siège, cathedra, d'où il préside et d'où il parle. Ses prêtres s'assoient autour de lui sur des bancs.
Mais le peuple aussi est invité à s'asseoir à certains moments de la célébration. Bien qu'anciennement les édifices du culte n'eussent pas de sièges pour les fidèles, certains évêques les faisaient asseoir à terre pour la lecture et la prédication, tandis qu'ailleurs, il est vrai, cette tolérance leur était refusée. Cependant on s'asseyait déjà dans les communautés apostoliques (Ac 20, 9 ; 1Co 14, 30). C'est en effet l'attitude, non seulement de celui qui enseigne, mais de celui qui écoute : Jésus enfant était assis au milieu des docteurs (Lc 2, 46) ; Marie, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole (Lc 10, 39). C'est pourquoi les fidèles sont assis plus généralement pour écouter toutes les lectures (sauf l'évangile), les chants de méditation, la prédication.
Ils peuvent également être assis pour le temps de silence méditatif qu'on leur ménage louablement après la communion.
Inc1inés.
L'invitation à courber la tête précède la formule solennelle de bénédiction à la messe : Inclinate vos ad benedictionem. Les messes des féries de carême de l'ancien missel comportaient une oraison Super populum, que le diacre annonçait : Humîliate capita vestra Deo. Les formulaires eux-mêmes faisaient parfois allusion à cette attitude. Mais on lui a souvent substitué la génuflexion, par exemple, pour les fidèles, au moment de la bénédiction du célébrant. La liturgie monastique a conservé généralement des temps de prière avec profonde inclinaison. Enfin l'Ordo missae prévoit que le célébrant dise incliné certaines prières privées de supplication ; de même, l'autel et l'évêque sont salués d'une inclination profonde.
Prosternés.
Dans la liturgie romaine actuelle, se prosterner est une attitude plutôt exceptionnelle : elle n'est plus prescrite qu'à ceux qui doivent recevoir de l'évêque une consécration définitive : ordinands, vierges, abbés, tandis que l'on chante sur eux la litanie des saints. L'époque romantique a donné à la prostration des significations mélodramatiques qui ont toujours été étrangères à la liturgie et qu'il faut proscrire : il suffit de se rappeler que c'est, dans la Bible, une des attitudes fréquentes de la prière (Gn 17, 3 ; Dt 9, 18 ; Ne 8, 6 ; Tb 12, 16 ; Jud 9, 1 ; 10, 1-2 ; 2Mac l0, 4 ; Mc 17, 6 ; 26, 39 ; Ap 4, 10 ; etc.). D'ailleurs son usage était plus généralisé dans la liturgie antique et médiévale ; elle était le fait de tous les ministres sacrés, ou même de toute l'assemblée. Elle marque une supplication solennelle.
Marchant en procession.
Outre les processions exceptionnelles, liées à des moments de l'année liturgique soit à des circonstances particulières de la vie de l'Église, les célébrations habituelles donnent lieu à des mouvements et déplacements qui sont des actes processionnels : procession d'entrée des célébrants et de ses ministres ; procession de l'évangile ; apport des offrandes ; procession des fidèles pour la communion. Il convient que ces démarches soient accomplies avec beauté, accompagnées des chants qui leur sont propres.
Tournés vers l'Orient.
La prière tournée vers l'Orient a eu une grande importance dans la liturgie antique en dehors de Rome. Elle a commandé l'orientation des églises et, dans une certaine mesure, la place du célébrant à l'autel, lorsqu'on a estimé qu'il devait, comme les fidèles, se tourner vers le levant. Elle remplaçait, pour les chrétiens, l'usage juif de prier en direction de Jérusalem. L'Église romaine ne l'a pas observée dans la construction de ses basiliques ; elle semble même l'avoir trouvée suspecte, comme une survivance du paganisme chez les fidèles : il est probable que les rubriques des Ordines Romani qui la prescrivaient aient été toutes des additions opérées en pays franc. Elle est aujourd'hui tombée en désuétude.
Gestes liturgiques.
Parmi les gestes liturgiques, il y en a qui sont simplement utilitaires, comme le fait de se laver les mains après certaines actions. D'autres accompagnent tout naturellement la parole, dont ils soulignent la portée, par exemple les gestes indiquant le pain et le vin au cours des prières eucharistiques romaines ou des anaphores orientales. Il y a aussi des gestes de respect ou de vénération à l'égard des personnes et des choses, et ces gestes peuvent parfois être inspirés des mœurs de la société ambiante : par exemple le fait de cacher ses mains sous le vêtement ou sous une écharpe pour porter un objet vénérable est imité du cérémonial de la cour du Bas-Empire ; les mains jointes sont le geste du vassal qui rend l'hommage à son suzerain. Tous ces gestes sont plus ou moins durables au cours de l'histoire liturgique selon que leur raison d'être est plus ou moins profonde et naturelle.
D'autres gestes sont des créations spécifiquement chrétiennes, comme le signe de la croix. Certains gestes sont plus riches encore de signification parce qu'ils sont bibliques, parfois même ce sont des gestes du Christ. Quelques-uns sont sacramentels, comme l'imposition des mains, mais sans être limités à l'usage sacramentel. Le baiser de paix est déjà sans doute un geste liturgique dans les écrits apostoliques. Souffler sur quelqu'un est habituellement geste d'exorcisme, mais aussi communication d'un pouvoir sanctificateur. La plupart seront étudiés dans le cadre des diverses actions liturgiques dont ils font partie. Mais quatre gestes méritent d'être mentionnés déjà ici.
Le signe de la croix.
Dès le début du III° siècle, l'imposition du signe de la croix sur le front au cours des rites de l'initiation apparaît traditionnel en Afrique et à Rome pour marquer l'appartenance au Christ et constituer comme un invisible sceau ; les chrétiens répètent le geste sur eux-mêmes assez fréquemment. Il s'étend ensuite aux organes des sens et devient exorcisme. Une autre forme de signe de la croix est le geste de bénédiction, fait avec tous les doigts joints, ou seulement plusieurs doigts ouverts, selon les usages différents des églises et des époques, influencés par des considérations allégoriques ; souvent les Orientaux ont pris l'habitude de bénir en tenant une croix dans la main. Enfin le grand signe de croix, familier aux fidèles modernes, semble plutôt tardif ; parfois il s'est associé presque machinalement à des formules mal comprises (Benedictus qui venit..., omni benedictione..., in nomine Domini...). Il a été longtemps le geste du début ou de la fin de la lecture évangélique : c'est pour cela qu'il est toujours accompli au début des cantiques tirés de l'évangile. Enfin il est devenu, dans l'actuel missel, geste public d'inauguration de la liturgie de la messe.
Se frapper la poitrine.
C'est un geste qui exprime le repentir, l'humilité, comme chez le publicain de la parabole (Lc 18, 13), ou chez les témoins de la crucifixion (Lc 23, 45).
Les yeux levés vers le ciel.
Ce geste, attribué à Jésus par le canon romain (et cela, même dans la forme la plus ancienne du texte attestée par saint Ambroise) est répété par le célébrant lui-même lorsque à la messe il utilise cette prière eucharistique. S'il n'est attesté pour la Cène par aucun des quatre récits du Nouveau Testament, il est signalé dans l'évangile comme geste de Jésus à la première multiplication des pains (Mt 14, 19 ; Mc 6, 41 ; Lc 9, 16), au début de la proclamation des Béatitudes (Lc 6, 20), dans la prière qui précède la résurrection de Lazare (Jn 11, 41) et au début de la prière sacerdotale (Jn 17,1). Les rubriques du missel de saint Pie V prescrivaient au prêtre ce geste à divers autres moments de la messe ; mais il a été commun aux fidèles des premiers siècles.
Les mains élevées et étendues.
Le geste a continué d'être pratiqué par le célébrant de la messe et des grands actes consécratoires pour toutes les prières présidentielles. Pourtant, loin de lui être réservé, il était une attitude de prière commune à tous les chrétiens des premiers siècles, comme en témoignent les textes et l'iconographie. C'est sans doute la consécration d'un usage de la prière juive. Mais les chrétiens en ont changé la signification : "Non seulement, dit Tertullien, nous élevons, mais encore nous étendons nos mains vers le Seigneur, et prenant modèle sur la Passion du Christ (dominica passione modulantes), nous le confessons aussi par la prière... Au reste, en adorant Dieu avec modestie et humilité, nous lui recommandons bien mieux notre prière, si nous ne dressons pas exagérément nos mains, mais à une hauteur modérée et convenable, si nous n'élevons pas non plus notre visage avec arrogance..."
Nombreux sont les témoignages dans le même sens : comme Moïse, les bras levés et étendus (Ex 17, 9-14), a assuré la victoire de son peuple, ainsi le Christ nous a sauvés en levant et étendant ses mains sur la croix ; notre prière imite la prière du Christ et s'associe à son intercession victorieuse.
Actions.
La liturgie ne se contente pas de gestes, elle comporte des actions. Au vrai, elle est tout entière action, mais à certains moments elle fait accomplir soit par le peuple, soit par le seul célébrant, une action matérielle à laquelle elle donne un sens spirituel : la confection du Chrême par l'évêque est l'art du parfumeur, selon d'ailleurs (Ex 30, 35) ; pour ensevelir les reliques dans l'autel qu'il consacre, l'évêque fait lui-même le travail du maçon ; l'agape des premiers chrétiens était un vrai repas de famille, solennisé par la prière et présidé par l'évêque ; la liturgie des funérailles comprend l'ensemble des tâches de la sépulture. Les collectes charitables en vue de venir en aide aux frères ont une place authentique dans la célébration, attestée déjà par saint Paul et saint Justin.
Vêtements et insignes liturgiques.
Tenue des fidèles dans l'assemblée.
Saint Paul, parmi les consignes concernant l'assemblée qu'il donnait aux Corinthiens, rappelait comme une des traditions qu'il leur avait transmises, l'interdiction pour les hommes de "prier la tête couverte" et pour les femmes "de prier Dieu ou de prophétiser tête nue" : celles-ci doivent avoir la tête couverte. Il justifiait ces prescriptions par des arguments que l'exégèse n'est pas parvenue à éclairer pleinement ; il concluait cependant : "Si quelqu'un se plait à contester, nous n'avons pas cette habitude et les églises de Dieu non plus" (1Co 11, 2, 16). Était-ce l'usage juif de son temps ou une coutume hellénistique ? Quoiqu'il en soit, la tradition s'est maintenue jusqu'au XX° siècle, sanctionnée même par le Code de droit canonique de 1917 (can. 1262, § 2) ; elle est désormais tombée en désuétude.
Le voile a été plus particulièrement depuis le III° siècle le signe des vierges consacrées au Seigneur ; l'acte liturgique qui les constitue dans cet état s'appelle, déjà au I° siècle, velatio.
Il y a enfin une circonstance où les fidèles revêtent un habit liturgique distinctif : c'est lors de leur initiation. On leur remet, après le baptême un vêtement blanc, dont la forme est d'ailleurs laissée à la coutume ; le néophyte adulte doit le garder pour la confirmation et la messe qui suivent aussitôt le baptême: jadis, ils ne le déposaient que le samedi après Pâques, soit une semaine après le baptême. L'usage des diocèses de France est de revêtir à nouveau un vêtement blanc pour la communion solennelle qui est un anniversaire baptismal.
Vêtements et insignes des célébrants et des ministres.
Durant les premiers siècles.
Dans les tout premiers siècles, il semble que la célébration liturgique n'attribuait aucun insigne ni vêtement distinctif aux degrés de l'ordre ni aux diverses fonctions ministérielles : c'était uniquement le lieu, la place qu'ils occupaient dans l'assemblée et, bien sûr, le rôle qu'ils y remplissaient qui les distinguaient.
Mais on exigera bientôt des habits distincts de ceux de l'usage quotidien, dont cependant ils ne se différenciaient d'abord que par la destination et la beauté des tissus. C'est ainsi que, vers la fin du IV° siècle, Théodore de Mopsueste trouve dans le livre qu'il cite des rites de l'initiation les indications suivantes : "le pontife, portant des vêtements de lin légers et resplendissants...", et il les commente ainsi : "le pontife, portant non pas le vêtement habituel, ni revêtu du vêtement que d'ordinaire il porte par-dessus, un ornement de lin délicat et resplendissant l'enveloppe". Il décrit également la tenue des diacres à la messe : "ils ont un vêtement qui convient à la réalité [invisible], parce que plus sublime qu'eux est leur vêtement extérieur : sur leur épaule gauche, ils jettent l'orarion qui pend des deux côtés également..." L'orarion est d'ailleurs attesté également comme insigne du diacre dans les canons dits de Laodicée. Saint Ambroise, de son côté, suppose que les catéchumènes identifient aisément l'évêque, les prêtres et les diacres : faut-il en conclure que, à Milan aussi, c'est le costume qui les fait distinguer ?
A partir du moment où les textes et surtout l'iconographie nous fournissent pour l'Occident une documentation concrète, nous constatons que le costume de l'évêque est celui que portent dans la vie civile les citoyens de bonne condition : une longue robe de toile blanche, tunica, et un vêtement de dessus en laine, paenula, qui est très ample et couvre les bras ; mais sur la tunica et sous la paenula, il porte une robe plus courte et ornée appelée dalmatica, qui était un habit honorifique, correspondant sans doute au colobus des sénateurs. Déjà vers la fin du IV° siècle, la dalmatica devient également le vêtement distinctif des diacres romains, que les papes concèderont plus tard comme un privilège à des diacres d'autres églises. Un autre insigne papal, depuis la fin du V° siècle, c'est le pallium, longue écharpe de laine blanche, drapée autour des épaules et dont les deux bouts retombent l'un par devant et l'autre par derrière : d'abord distinction de cour donnée par les empereurs, il fera par la suite, lui aussi, l'objet d'un privilège accordé par le pape à certains évêques comme signe d'une juridiction qu'il leur confère sur d'autres évêques. Mais en Orient, les mosaïques et les fresques nous montrent toujours les évêques portant sur le même ample manteau cette même écharpe, sans que nous trouvions trace pour cela d'une concession du Siège apostolique ; au contraire, il est probable que ce soit d'Orient que l'usage en soit venu à Rome. Tant en Orient qu'en Occident, dans les représentations figurées, les évêques portent des sandales ornées.
Des Ordines Romani (VIII° siècle) au Caeremoniale episcoporum (1600).
Description et origine.
L'Ordo Romanus I, du début du VIII° siècle, décrit les mêmes vêtements et insignes ; cependant la paenula s'appelle désormais planeta. Il s'ajoute deux pièces vestimentaires, vraisemblablement héritées de l'usage monastique, l'anagolaium ou capuchon et le cingulum, et, pour le pape, un nouvel insigne, la mappula, avec laquelle les consuls donnaient le signal pour l'ouverture des jeux publics.
L'étole, inconnue à Rome, était, en Espagne et en Gaule, le seul insigne distinctif du diacre, comme l'orarion en Orient ; les prêtres aussi la portaient, agencée différemment. L'amalgame de la liturgie romaine avec la liturgie gallicane à l'époque carolingienne fit ajouter l'étole au vestiaire romain et étendit aux prêtres le port du manipule : de plus, l'usage franco-germanique qui a eu, par le pontifical, tant d'influence sur la liturgie romaine ultérieure, a modifié le vocabulaire et a introduit un vêtement nouveau, la chape, cappa, qui a supplanté la chasuble pour beaucoup de rites.
De même, la crosse et l'anneau, en usage en Espagne déjà au VII° siècle, ont été importés de là en Gaule, puis en Germanie, d'où ils se sont introduits enfin dans les livres romains ; toutefois la crosse n'a jamais été acceptée par la liturgie papale. La mitre a suivi un chemin inverse : sous le nom de phrygium, elle apparaît d'abord comme coiffure non liturgique du pape aux IX°-X° siècles ; elle s'introduit à la fin du XII° siècle dans le rite de l'ordination épiscopale au pontifical romain et se différencie ensuite au point que les rubriques du XV° siècle dénombrent les trois mitres actuelles. Enfin les bas, les gants, la double tunicelle, et un vêtement à mettre sous l'aube (camida, ancêtre du rochet), semblent d'origine franque.
Après le XII° siècle, le vestiaire proprement liturgique est pratiquement constitué dans l'état où le fixera le Caeremoniale episcoporum. Son évolution n'est plus que dans les formes : les vêtements deviennent "ornements", "paramenta", s'alourdissent de broderies, d'orfrois, de pierreries, de dessins anecdotiques ou allégoriques : ils perdent leur souplesse, leur ampleur, jusqu'à devenir méconnaissables.
Bénédiction des vêtements et insignes liturgiques.
Il n'est pas sûr qu'on puisse tirer argument d'une fausse décrétale d'Etienne 1er pour affirmer qu'après le milieu du IX° siècle fût déjà général l'usage de bénir les vêtements liturgiques. Le premier formulaire apparaît en fait à cette époque dans le rituel de la dédicace des églises (qui possédait déjà depuis longtemps des bénédictions pour divers objets du culte) et les textes se développeront par la suite dans le même cadre ou dans le rituel des ordinations. Ils n'ont pas connu beaucoup de variations au cours des siècles : du Pontifical romano-germanique ils sont entrés dans le Pontifical romain au XII° siècle ou ont été repris par Guillaume Durand ; l'ensemble se retrouve à peu près, mais abrégé, dans le Pontifical romain de la réforme tridentine et le Rituel de 1925. Enfin l'ordo de la consécration épiscopale a comporté des formules de bénédiction de la crosse, de l'anneau, de la mitre et des gants.
Allégorisations médiévales.
Le moyen âge a multiplié les essais de signification allégorique des vêtements et insignes liturgiques. Notamment, on a fait appel assez souvent à des rapprochements avec la liturgie du Lévitique. Ces explications étaient fort artificielles, mais comme saint Paul lui-même ne dédaignait pas une telle méthode, il ne faut pas s'étonner que la liturgie en ait retenu quelque chose dans trois catégories de formulaires qui ont été usités jusqu'en 1967 : les paroles que l'évêque prononçait en revêtant les nouveaux ordonnés, les prières que disaient respectivement l'évêque et le prêtre en s'habillant pour la messe 85, et les bénédictions du pontifical.
Discipline actuelle.
Le mouvement liturgique du XX° siècle a d'abord cherché à redonner aux vêtements des célébrants et des ministres une forme plus conforme à leurs origines et plus artistique. Mais une simplification s'imposait, désirée par le II° Concile du Vatican. Elle s'est réalisée successivement par l'Instruction Pontificales ritus du 21 juin 1968 et par l'Institutio generalis missalis Romani ; voici le texte de l'Institutio :
298. Le vêtement liturgique commun aux ministres de tout degré est l'aube (alba), serrée autour des reins par le cordon (cingulo), à moins qu'elle ne soit confectionnée de telle manière qu'elle puisse s'ajuster même sans cordon. On mettra un amict (amictus) avant de revêtir l'aube si celle-ci ne recouvre pas parfaitement l'habit commun autour du cou. On ne peut remplacer l'aube par le surplis (superpelliceo) lorsqu'on doit revêtir la chasuble ou la dalmatique, ou bien lorsqu'on emploie l'étole à la place de la chasuble ou de la dalmatique.
299. Le vêtement propre au célébrant, pour la messe et pour les autres actions sacrées en liaison immédiate avec la messe, est la chasuble (planeta seu casula), à moins que ne soit prévu un autre vêtement à revêtir par-dessus l'aube et l'étole.
300. Le vêtement propre au diacre est la dalmatique, qu'il doit revêtir sur l'aube et l'étole.
301. Les ministres d'un grade inférieur au diacre peuvent porter l'aube ou tel autre vêtement approuvé dans leur région.
302. Le prêtre porte l'étole autour du cou et la laisse pendre devant la poitrine ; le diacre la porte en sautoir, en travers de la poitrine, de l'épaule gauche au côté droit du corps, où on la fixe.
303. Le pluvial ou chape (pluviale seu cappa pluvialis) est utilisé par le prêtre pour les processions et pour d'autres actions sacrées, selon les rubriques propres à chaque rite.
L'évêque, en tout temps, porte l'anneau, signe du lien qui l'attache à l'Eglise, épouse du Christ. Lorsqu'il célèbre une action liturgique, il porte les mêmes vêtements que le prêtre ; il conviendrait toutefois que, pour les ordinations et les rites solennels, il garde l'usage traditionnel de la dalmatique sous la chasuble ; enfin à des moments prévus par les rubriques, il se coiffe de la mitre et s'appuie sur la crosse ou bâton pastoral (baculus). La croix pectorale, qui peut être portée même sur la tenue de ville, est le plus récent des insignes épiscopaux. Le pallium est conféré par le pape aux archevêques métropolitains, et désormais à eux seuls comme signe de leur juridiction sur les évêques de leur province. Les abbés et certains prélats dépourvus du caractère épiscopal avaient depuis le moyen âge le privilège de divers insignes épiscopaux. Le pape Paul VI, en exécution d'une directive du Concile, l'a considérablement restreint.
Lorsqu'ils ne sont pas célébrants ni concélébrants, la tenue de chœur des cardinaux, des évêques, des prélats inférieurs et des chanoines est régie par l'Instruction de la Secrétairerie d'Etat du 31 mars 1969 et la Circulaire de la Congrégation du Clergé du 30 octobre 1970.
Signification des vêtements liturgiques.
"Dans l'Église, qui est le Corps du Christ, tous les membres n'exercent pas la même fonction. Cette diversité des ministères dans l'accomplissement du culte se manifeste extérieurement par la diversité des vêtements liturgiques. Par conséquent, ceux-ci doivent être le signe de la fonction propre à chaque ministre. Il faut cependant que ces vêtements contribuent aussi à la beauté de l'action liturgique". Certes la foi catholique nous apprend à discerner chez l'évêque, le prêtre, le diacre, une invisible et inaliénable ressemblance avec le Christ, mais il est normal que dans l'exercice de leur rôle – au sens le plus fort de ce terme in persona Christi – ils revêtent un costume qui rappelle aux autres et à eux-mêmes ce qu'ils sont et ce qui devrait apparaître en eux. Par ailleurs, la robe blanche descendant jusqu'aux talons, l'aube, exprime d'abord rupture avec la hâte et les tâches utilitaires, mais surtout rappelle le vêtement royal et sacerdotal de la liturgie céleste, celui du Seigneur de gloire, des anges et des élus.
Couleurs liturgiques.
Alors que les rites orientaux n'attachent généralement pas d'importance à la couleur des vêtements liturgiques, les Eglises d'Occident ont estimé que l'usage de couleurs diverses contribuait à "exprimer efficacement par des moyens extérieurs ce qui caractérise les mystères de la foi que l'on célèbre et, par suite, le sens d'une vie chrétienne qui progresse à travers le déroulement de l'année liturgique". Leur nombre et les principes d'utilisation ont été assez indécis dans la pratique locale ; ce n'est guère qu'au XII° siècle qu'on a commence à s'en soucier ; néanmoins il était normal que pour les processions extérieures les vêtements fussent sombres. Seule la couleur blanche était suggérée par le symbolisme biblique : c'est la couleur des vêtements du Christ transfiguré, des apparitions angéliques, des rachetés dans l'Apocalypse.
Le rite romain a finalement distingué six couleurs : le blanc, le rouge, le vert, le violet, le noir et le rose. Leur usage a été maintenu par l'Institutio generalis missalis Romani, mais avec quelque souplesse : notamment, le noir est désormais facultatif pour les messes des défunts et peut être remplacé par le violet. Les Conférences épiscopales peuvent d'ailleurs déterminer et proposer au Siège apostolique des adaptations qui correspondent aux besoins et à la mentalité des peuples.
Les éléments matériels.
Il ne sera pas question ici des choses que l'Eglise bénit en vue de sanctifier l'usage habituel et profane (c'est-à-dire non cultuel) qu'en font les chrétiens, mais uniquement de celles qu'elle utilise dans la liturgie.
De toute façon, les gestes de Jacob, de Moïse et des prophètes, la législation du culte aaronique, avaient accoutumé les Hébreux à voir, dans certains éléments matériels, les symboles des relations entre Dieu et son Peuple et des moyens d'exprimer la liturgie : la pierre dressée en mémorial de la rencontre divine (Gn 28, 18) ou destinée à recevoir les victimes du sacrifice (Ex 20, 23 ; Dt 27, 5-7 ; 1Macc 4, 44-47) ; l'huile répandue (Gn 28, 18) ou celle des onctions royales et sacerdotales ; l'encens dont la fumée suggère la montée agréable de la prière vers Dieu (Ps 140, 2) ; l'eau des purifications rituelles ; la cendre ou la poussière jetée sur la tête en signe de deuil pénitentiel ; le bouquet d'hysope, utilisé dans les rites de purification ; le sel "de l'alliance de Dieu" qui purifie l'oblation des prémices (Lv 2, 13 ; Nb 18, 19 ; cf. Mc 9, 49), ou qui assainit les eaux (2R 2, 20).
Le Christ, lui aussi, fait de certains éléments matériels les symboles de la Nouvelle Alliance, mais cette fois ce sont des symboles efficaces le pain, le vin, l'eau, l'huile, le parfum sont des signes sacramentels. Dans le sillage de l'institution du Seigneur, l'Eglise utilise les choses pour élargir en quelque sorte les signes sacramentels ou les prolonger : ainsi se sert-elle de l'eau, de l'huile, du parfum, du pain pour d'autres rites ; et par ailleurs elle matérialise en quelque sorte dans la liturgie, par l'usage des choses, des images de l'Ancien et du Nouveau Testament dont la pédagogie devient ainsi action : le feu nouveau, la lumière, la pierre, la cendre, le breuvage de lait et de miel caractéristique de la Terre Promise. Parfois elle a repris des usages de l'Ancienne Loi, comme l'encens ( il est vrai qu'ici les visions célestes de l'Apocalypse encourageaient l'emprunt ) ou les aspersions de l'autel au rituel gallican de la Dédicace. Parfois enfin la tradition biblique ne suffit pas à expliquer entièrement le symbolisme, et doit-on admettre un légitime emprunt à des usages païens.
La plupart des rites où ces éléments matériels sont utilisés seront étudiés en leur lieu. Ici il suffira de donner quelques précisions sur la lumière, l'encens et l'eau bénite à cause de leur emploi général dans la liturgie.
La lumière.
La lumière a procuré à la liturgie plusieurs éléments de symbolisme. Bien sûr une grande place a été tenue par la lumière du soleil, dont le lever et le coucher rappellent, a quiconque est familier avec la Bible, le Christ soleil de justice : ainsi l'Église a pu lutter efficacement contre l'engouement du culte du soleil dans les débuts du IV° siècle. Mais il faut ici mentionner surtout le rôle du luminaire, lampes, candélabres, cierges. Dès l'Ancien Testament, dans la tente et devant le Seigneur brûlait la flamme perpétuelle de l'huile vierge (Ex 27, 20 ; Lv 24, 2-4 ; 1S 3, 3) sur les sept branches du candélabre d'or (Ex 25, 31-40) ; de même saint Jean, dans l'Apocalypse, voit "sept lampes de feu" brûler devant Celui qui siège sur le trône (Ap 4, 5), et sept candélabres d'or entourant le Fils de l'homme (Ap 1, 12-13). Utilisées dans la synagogue et la liturgie familiale juive, les lumières sont attestées dans les assemblées chrétiennes primitives (Ac 20, 8), où certainement elles n'étaient pas qu'éclairage utilitaire. Dès le II° siècle, le geste d'allumer les lampes au moment où la nuit tombe inspire aux chrétiens de magnifiques prières, que plus tard le lucernaire utilisera et développera ; c'est sans doute du lucernaire que le cierge pascal tire son origine. A la fois signe de joie, rappel d'une présence sacrée, symbole de la prière dont il témoigne ou à laquelle il invite, le luminaire apparaît autour de la tombe des martyrs, puis dans les basiliques, ensuite devant les autels et les icônes, beaucoup plus tard devant le Saint-Sacrement.
L'Église de Jérusalem a créé un autre des gestes expressifs de la liturgie pascale, le Lumen Christi. La lampe ou le cierge du baptême a pareillement un symbolisme obvie et décisif. En revanche, l'usage de torches et de cierges aux enterrements est peut-être la continuation d'une coutume romaine, à laquelle les chrétiens ont donné un sens nouveau. De même le port des cierges à la procession du 2 février n'a trouvé sa valeur durable que parce qu'il a illustré le Cantique de Siméon, lumen ad revelationem gentium.
Le luminaire constitue également une escorte d'honneur, inspirée de l'étiquette romaine, mais tellement naturelle qu'elle méritait d'être maintenue : cet honneur va d'abord à l'évêque, que le cérémonial de l'Ordo Romanus I faisait précéder de sept "cereostata", usage qui s'est conservé à Rome et à Lyon ; du fait que ces chandeliers étaient déposés près de l'autel après l'arrivée du cortège, ils sont devenus la parure de tout autel où l'évêque du lieu célèbre la messe solennelle. Les deux chandeliers portés par des acolytes en constituent la forme réduite. Cet honneur va aussi à l'évangile, qui est porté en procession avec un cortège semblable.
L'encens.
L'encens était, avons-nous dit, employé dans le rituel juif comme un symbole très expressif de la prière (Ps 140, 2) ; il y avait dans le Temple, devant le Saint des Saints, un autel d'or sur lequel, chaque matin et chaque soir, était brûlé de l'encens aromatique en sacrifice de louange. Au temple du Ciel, dans l'Apocalypse, le même rite continue de s'accomplir, servi par les Anges, mais la vision n'est que symbolique: ce sont les prières des saints qui sont offertes (Ap 8, 3-5) ; par parenthèse, la cassolette de ce texte n'est pas ce que nous appelons un encensoir : c'est un récipient permettant de transporter la braise d'un autel à l'autre. Une autre vision de l'Apocalypse (5,8) nous montre les vingt-quatre vieillards tenant chacun un récipient de parfums qui se consument, dont le symbolisme est identique. Malgré ces antécédents bibliques, l'Église d'Occident tarda longtemps à faire brûler de l'encens dans la liturgie, peut-être parce que ce geste avait une signification idolâtrique dans le paganisme ambiant. L'Orient n'avait sans doute pas de si désagréables souvenirs : à Jérusalem, à la fin du IV° siècle, au cours de la vigile dominicale, des brûle-parfums sont introduits dans le Saint-Sépulcre au moment où l'on va lire l'évangile de la Résurrection ; de véritables encensements sont attestés par le pseudo-Denys en ces régions syriennes où ils prendront par la suite un si grand développement.
A Rome, l'encens et les brûle-parfums ont été utilisés largement dans le culte funéraire où l'usage était traditionnellement admis. On se servit par la suite dans les basiliques de brûle-parfums stables, sur pieds, à la fois pour assainir l'espace et pour honorer les lieux, ou bien suspendus par des chaînes devant les reliques et les icônes. Enfin, dans les Ordines authentiquement romains des VII°-VIII° siècles, le cortège honorifique du pape et de l'évangile comporte, avec les sept cereostata, un thymiamaterium porté par un sous-diacre : là encore, il s'agit d'un simple réchaud sur lequel brûlent des parfums : c'est sans doute un emprunt à l'étiquette impériale. Dans l'Ordo 5, c'est-à-dire en Rhénanie au milieu du X° siècle, le terme thuribulum, déjà employé par le sacramentaire gélasien et conforme à la terminologie gallicane, remplace thymiamaterium. Le même Ordo incorpore à l'offertoire de la messe un rite d'offrande de l'encens déjà attesté par Amalaire comme pratique franque, sans doute inspiré du rituel, également gallican, de la Dédicace.
L'eau bénite.
Par son origine et selon son usage le plus fréquent dans l'antiquité et jusqu'à notre époque, l'eau bénite était une eau lustrale, comme en utilisaient les religions païennes, destinée à être répandue sur les lieux, mais sanctifiée par une prière de l'Église en vue d'exorciser et de purifier : les formulaires, d'origine principalement gallicane et wisigothique, l'attestent avec évidence. A l'eau était mélangé du sel, peut-être pour imiter le geste d'Elisée (2R 2, 20-22), et cela depuis au moins le VI° siècle ; d'autres ingrédients s'y sont ajoutés dans le rituel médiéval de la dédicace. Mais toujours elle était destinée à l'aspersion des lieux : maison, édifice du culte, champs. L'aspersion dominicale elle-même semble avoir été à l'origine une lustration des lieux réguliers monastiques. Cet usage garde toujours sa valeur dans la cérémonie de la dédicace et de nombreuses bénédictions.
Cependant il était normal qu'un autre symbolisme, plus spécifiquement chrétien, s'attache aux rites de l'eau pour faire de l'eau bénite un souvenir du mystère pascal et du baptême. C'est le sens qu'a pris par la suite l'aspersion dominicale et c'est pourquoi le missel de 1970 en a rénové le formulaire, la proposant pour prendre la place de l'acte pénitentiel. La présence d'un bénitier à l'entrée des églises invite pareillement le fidèle à se signer avec l'eau bénite dans la même pensée. Dans la nuit pascale, là où il n'y a pas de fonts baptismaux, l'eau bénite accompagnera la rénovation par l'assemblée des promesses baptismales. Enfin le rituel de la sépulture comporte aussi l'usage de l'eau bénite lors du dernier adieu pour rappeler que "le baptême ouvre l'accès à la vie éternelle".
Les lieux sacrés.
Au terme du canon 1205 du Code de 1983, "sont lieux sacrés ceux qui sont destinés au culte divin ou à la sépulture des fidèles par la dédicace ou la bénédiction que les livres liturgiques prescrivent à cet effet". On notera aussitôt que cette définition reprend celle du Code de 1917 (can. 1154) à un mot près: les nouveaux livres liturgiques réservent, en effet, aux personnes le terme de "consécration" et reprennent pour les lieux et les autels le terme, traditionnel dans l'antiquité, de "dédicace". Il est vrai que, dans l'usage primitif, les lieux et les objets étaient consacrés par leur utilisation elle-même, sans qu'il fût besoin d'un rite spécial ; celui-ci, cependant, a, comme on le verra plus loin, une grande valeur catéchétique pour le peuple chrétien.
L'église.
Les édifices du culte des chrétiens répondent à une conception très différente non seulement de celle des temples païens mais aussi du temple juif. Le temple de Jérusalem était la demeure du Seigneur, comme l'était à l'époque nomade d'Israël la tente du témoignage ; il abritait d'ailleurs l'Arche où Dieu se manifestait entre les chérubins, et lors de sa dédicace par Salomon, il fut rempli de la Nuée, signe de la présence glorieuse du Seigneur. Mais dans la Nouvelle Alliance, le temple n'est plus fait de main d'hommes : c'est la sainte humanité de Jésus qui est désormais le Temple de Dieu. Les chrétiens, identifiés au Christ par le baptême, sont aussi les temples de l'Esprit Saint ; en chaque fidèle qui aime le Christ, la Trinité fait sa demeure ; mais l'Eglise tout entière est aussi comme un temple, bâti de pierres vivantes, habitation de Dieu.
Si les chrétiens utilisent ou construisent des édifices de pierre ou de briques, ces édifices ne sont donc pas des temples. Ce sont des maisons destinées à réunir l'assemblée de prière : domus ecclesiae.
Les Byzantins diront plus tard Kyriakon. Quant aux moines, ils auront dans leur monastère un "lieu de prière", oratorium.
Le droit moderne distingue "église" et "oratoire" ; ce qui les différencie, c'est la communauté à laquelle chaque lieu est respectivement destiné : on nomme église "l'édifice sacré destiné au culte divin et auquel les fidèles ont le droit de se rendre surtout pour l'exercice public du culte" ; l'oratoire est limité de soi à un groupe restreint, même si en fait l'accès en est ouvert à tous.
Cette destination commandera toute l'architecture de l'édifice ; les vicissitudes subies par la liturgie, ses diversifications, modifieront profondément le plan et l'aménagement des églises. Les styles que l'on peut distinguer ne sont pas seulement une commodité de classement archéologique : ils expriment des conceptions spirituelles diverses selon les pays et les époques, et dès lors il faut apprendre à les apprécier tous, sous peine de méconnaître la grande richesse et la légitimité de ces conceptions ; les gens de l'époque classique qui rejetaient l'art du moyen âge n'étaient pas plus justes que ceux de la fin du XIX° siècle qui se sentaient étrangers à l'art baroque. En fait, l'église baroque représente un effort important de restauration liturgique issu de la Contre-Réforme ; au contraire les édifices des XIV° et XV° siècles correspondaient à l'exercice d'une liturgie décadente, envahie de superfétations, déformée par les commentaires allégoriques, oublieuse de la présence du peuple.
Ce sont les églises de l'antiquité qui apparaissent le plus parfaitement adaptées à la célébration. Le plan en est agencé de façon que l'assemblée soit nettement différenciée : l'autel sépare le peuple, qui est d'un côté, du clergé, qui est de l'autre ; les fidèles, groupés en un espace homogène doivent voir et entendre de partout, ce qui s'obtient soit par une salle rectangulaire, soit par un plan rayonnant, soit par la réunion de trois salles en transept, l'autel étant alors à la croisée de ces trois salles. L'autel attire de partout les regards, comme étant un vrai centre de l'édifice, souligné parfois par un ciborium ou plus tard par des artifices d'architecture (coupole, lanterne, etc.). Mais l'autel n'est pas le seul centre de la célébration : le siège d'où l'évêque préside la prière avant ou en dehors de l'eucharistie, les ambons ou estrades, d'où les lecteurs font entendre les textes bibliques et les diacres leurs proclamations, sont également très importants. Dans les églises d'Occident, le siège de l'évêque est placé au centre d'une abside peu profonde, à un niveau plus haut que l'autel, de telle façon qu'il voie toute l'assemblée devant lui et qu'il puisse se faire entendre de tous ; des ambons, placés de chaque côté, permettent aux lecteurs de dominer l'auditoire et d'en être pareillement entendus, l'ambon de l'évangile étant plus élevé et plus orné. De chaque côté du siège de l'évêque, un banc en demi-cercle était destiné aux prêtres, les diacres et les autres ministres demeurant debout.
Les églises d'Orient ont parfois apporté une solution originale à ces divers problèmes d'aménagement de l'édifice du culte. C'est ainsi que, dans l'usage des Nestoriens, deux estrades distinctes sont construites, l'une pour l'autel et la célébration eucharistique, l'autre, au milieu de la nef des fidèles, pour le siège de l'évêque, les lecteurs et plus généralement pour la liturgie de la Parole : après celle-ci, le célébrant et ses ministres vont en procession d'une estrade à l'autre.
La disposition occidentale, avec le siège de l'évêque et le banc des prêtres en abside derrière l'autel, s'est maintenue jusqu'au XI° siècle, même là où durant l'eucharistie le célébrant tournait le dos au peuple, c'est-à-dire hors de l'Italie. Sous diverses influences, le célébrant et l'évêque ont abandonné l'abside pour des sièges mobiles placés de côté et d'où ils ne président plus l'assemblée, cependant que l'autel, se rapprochant du mur de l'abside, était surmonté de décorations picturales ou sculpturales de plus en plus élevées et compliquées. La présence d'un clergé nombreux, moines, chanoines ou mendiants, disposés en chœur dans des stalles, a relégué le peuple toujours plus loin, en même temps que des considérations diverses contribuaient à enfermer l'autel derrière des murs, jubés ou iconostases. D'ailleurs à l'autel principal ainsi isolé, les fidèles préféraient les autels secondaires et chapelles qui se sont multipliés dans toutes les parties de l'église, surtout à partir du XIV° siècle.
Traditionnellement, l'édifice du culte a été orné, de façon à donner d'abord un cadre de fête à l'assemblée et à la célébration : tentures, luminaires, matériaux précieux, ont toujours été utilisés à cette fin. La décoration figurée : fresques, mosaïques, sculptures, vitraux, contribue à cette ambiance festive, mais en outre constitue comme un prolongement des signes mêmes, soulignant notamment l'aspect céleste et eschatologique de la liturgie ; c'est pourquoi les thèmes iconographiques ne peuvent être laissés au hasard : en Orient, ils sont souvent minutieusement fixés ; du moins doivent-ils être en harmonie avec la célébration, loin d'en distraire l'attention.
La récente réforme liturgique invite à renouer avec la tradition pour la construction et l'aménagement des églises : "il faut que le plan d'ensemble de l'édifice sacré soit conçu de manière à offrir l'image de l'assemblée qui s'y réunit, permettre la répartition harmonieuse de tous et favoriser le juste accomplissement de chaque fonction".
Les fidèles recevront une place qui facilitera leur participation active. Dans la Tradition apostolique, Hippolyte demandait que, dans l'assemblée, les hommes et les femmes soient groupés séparément : il mettait cette prescription en rapport avec le baiser de paix ; l'usage semble avoir été général dans les différentes églises ; il a laissé des survivances jusqu'à nos jours dans certaines régions ou, parfois, seulement dans certaines circonstances, comme les sépultures. Le droit actuel ne l'a pas retenu.
Il convient que le sanctuaire, lieu ou se tiennent les prêtres, se distingue de celui des fidèles et soit assez vaste pour permettre d'accomplir facilement la liturgie. Outre l'autel, vrai centre de l'église, dont on parlera plus loin, le sanctuaire doit comporter le siège du célébrant, situé de façon à exprimer la fonction de celui qui préside l'assemblée et dirige sa prière.
La dignité de la parole de Dieu requiert en principe la présence dans l'édifice d'un ambon stable (et non un simple pupitre mobile) qui favorise l'annonce de cette parole et vers lequel se tourne spontanément l'attention des fidèles.
Selon la disposition de l'édifice, on placera la chorale de telle façon qu'apparaisse clairement son appartenance à l'assemblée des fidèles et sa fonction particulière.
Enfin "il est fortement recommandé que l'endroit où l'on conserve l'eucharistie se trouve dans une chapelle favorable à la prière privée des fidèles" et, de toute façon, "à une place d'honneur, décorée" ; on doit prévoir aussi, soit dans l'église, soit à côté d'elle, le baptistère et le lieu du sacrement de pénitence.
Les conditions de la vie moderne soulignent le rôle que doit jouer également l'édifice du culte en dehors de son utilisation communautaire : les fidèles ayant de nos jours de plus grandes difficultés à trouver le recueillement de la prière et le sens de la présence de Dieu, devraient pouvoir y bénéficier d'un espace de silence et de l'ambiance spirituelle nécessaire.
Lieux et objets destinés au culte doivent être beaux ; mais ce n'est possible que s'ils soient parfaitement adaptés à leur destination. C'est pourquoi l'Église a précisé fréquemment les règles auxquelles doit obéir l'art sacré. Ce n'est donc pas un art autonome : il n'est qu'un serviteur, quelle que soit sa noblesse, du culte divin ; il ne peut être que le reflet ou l'expression de la foi ; il doit participer à la sollicitude pastorale de l'Église, qui veille avec délicatesse à éviter aux simples le trouble et les froissements de sensibilité. Mais il se sert de toutes les ressources de la technique, il exprime les valeurs liturgiques avec le langage de son époque et de sa culture : l'Église met en garde contre les anachronismes archéologiques et contre l'importation des formes de l'art occidental dans les pays de civilisation originale. L'art sacré exige à la fois sincérité et dépouillement de l'individualisme ; tantôt il s'exprimera surtout par la grandeur, tantôt il resplendira dans la pauvreté.
L'autel.
L'autel est, dans l'église, le lieu le plus vénérable : dans les rites de la dédicace de l'église, c'est la consécration de l'autel qui constitue la partie principale.
L'autel, c'est d'abord une table (mensa), la table du repas, sur laquelle le prêtre, représentant le Christ Seigneur, accomplit ce que le Seigneur a fait le jeudi saint et qu'il a ordonné à ses disciples de faire en mémorial de lui. Les premiers autels chrétiens ont été des tables portatives de bois : encore au milieu du Ive siècle, il en était ainsi dans la basilique constantinienne du Vatican.
Toutefois, il apparut bientôt plus digne que l'autel fût fixe et, dans l'Église latine, que cette table fût de pierre, pour qu'on comprenne qu'elle est aussi autel et que l'eucharistie est sacrifice. Certes, les Pères n'ont cessé de rappeler que "le Christ est lui-même à la fois la victime, le prêtre et l'autel de son propre sacrifice" et que les chrétiens "membres du Corps du Christ sont des autels spirituels sur lesquels est offert à Dieu le sacrifice d'une vie sainte". Mais la célébration de l'eucharistie sur une table de pierre fait de celui-ci l'image du Christ par un double symbolisme biblique. D'abord le thème de la pierre elle-même : rocher d'où Moïse fit jaillir l'eau "et ce rocher était le Christ" (1Co 10, 4), pierre de fondement ou pierre d'angle de l'édifice. Ensuite le thème de l'autel de pierre, dont le livre de la Genèse fournit la première ébauche (Gn 28, 18) et qui se précise à partir de la législation du Deutéronome pour l'offrande des holocaustes.
Pour mieux marquer que l'autel est l'image du Christ, unique autel de la Loi Nouvelle, il fait l'objet d'une dédicace, au cours de laquelle il reçoit l'onction du saint Chrême, tandis que l'on chante le psaume : "Unxit te Deus, Deus tuus, oleo laetitiae prae consortibus tuis, Dieu, ton Dieu t'a consacré d'une onction de joie, comme aucun de tes semblables" ; on brûle sur sa table l'encens, on l'entoure de lumière.
Les constructeurs des basiliques cimitériales romaines des IV°-VI° siècles ont souvent recherché au prix des plus grandes difficultés à assurer le lien entre le corps des martyrs et l'autel où se célèbre le sacrifice eucharistique ; ce lien pouvait être suggéré par l'Apocalypse : "Je vis sous l'autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole et du témoignage qu'ils avaient porté..." (Ap 6, 9). Surtout, en célébrant l'eucharistie sur leurs tombes, on signifie que "le sacrifice des membres trouve sa source dans le sacrifice du Chef".
La fidélité à cette tradition et à la richesse de ces symboles demande qu'aujourd'hui encore les églises aient un autel fixe, inamovible, dont la table soit de pierre naturelle et l'on en fera la solennelle dédicace. C'est à Dieu seul qu'il est dédié, puisque le sacrifice eucharistique est offert à Dieu seul ; s'il peut être dressé en l'honneur des saints, on ne doit placer sur sa table ni statue, ni icône, ni reliques. C'est sous l'autel qu'il est souhaitable de déposer, suivant la tradition romaine, des reliques de martyrs ou d'autres saints, à condition du moins qu'elles soient de dimensions suffisantes pour apparaître comme restes humains.
Dans les
nouvelles églises, cet autel sera unique, pour signifier que nous n'avons qu'un Sauveur et qu'une eucharistie. Cependant, il y a intérêt à avoir aussi une petite chapelle séparée pour les messes de semaine et pour les visites individuelles des fidèles. Contrairement à l'usage qui avait prévalu à la fin du moyen âge et à l'époque classique, l'autel sera séparé du mur, pour que le célébrant puisse facilement en faire le tour et célébrer face au peuple.Pour la célébration de la messe dans des oratoires ou même en dehors des lieux de culte, l'usage s'établît au cours du moyen âge d'autels portatifs, parfois de très haute qualité artistique, ou bien réduits à une simple pierre comportant des reliques, consacrés avec un rite à peu près semblable à celui de la consécration des autels fixes. La discipline actuelle est beaucoup plus souple désormais il n'est plus exigé que l'autel portatif soit de pierre ; au lieu d'une dédicace, il peut ne recevoir qu'une bénédiction. Au reste, en dehors des églises et des oratoires, on peut célébrer sur une simple table, pourvu qu'elle soit convenable et qu'il y ait une nappe et un corporal.
Le respect dû à l'autel se manifeste de différentes façons dans la liturgie. Les célébrants le baisent à leur arrivée et à la fin de la messe. On en recouvre la table d'une nappe, on l'entoure des candélabres qui sont requis selon les diverses actions liturgiques, pour marquer la vénération et la célébration festive. Sur l'autel ou près de lui se place une croix, bien visible de toute l'assemblée.
Le baptistère.
Dès le III° siècle, apparaissent des édifices construits et aménagés à l'usage exclusif de baptistère ; leur décoration s'inspire de la typologie biblique de l'initiation chrétienne, celle même que nous offrent déjà Tertullien et Hippolyte. La pratique du baptême par immersion exigeait une piscine, une installation d'eau et souvent un chauffage ; le baptistère devait demeurer distinct des édifices du culte, et d'ailleurs l'initiation étant réservée à l'évêque, le baptistère était unique pour chaque cité.
Son architecture, inspirée des exèdres des thermes, était à plan rayonnant, des raisons allégoriques suggérant une forme octogonale. La vénération dont le baptistère était l'objet se manifeste par l'admirable efflorescence artistique à laquelle il a donné lieu (en Italie, jusqu'à la Renaissance) et par les rites liturgiques : à Rome, notamment, une procession y ramenait en pèlerinage les néophytes tous les soirs de la semaine de Pâques.
La raréfaction des baptêmes d'adultes, surtout la disparition de l'immersion ont réduit les proportions du baptistère à un espace délimité à l'intérieur même des églises paroissiales, près de l'entrée. Dans les prescriptions juridiques il n'est même plus question de baptistère, mais seulement de "fonts baptismaux" (baptismalis font). Sans doute, le souci d'une participation communautaire a fait souvent délaisser le baptistère lui-même et célébrer les baptêmes dans le sanctuaire de l'église ; cependant cette pratique prive les chrétiens de la possibilité de vénérer le lieu où ils ont été baptisés. Le Rituel de 1969 l'admet mais en même temps il rénove l'idéal traditionnel en définissant ainsi le baptistère :
Le baptistère, c'est-à-dire le lieu où jaillit la fontaine baptismale, ou bien où se trouvent les "fonts baptismaux", doit être réservé à la célébration des baptêmes. Il doit avoir la dignité qui convient au lieu où les chrétiens renaissent de l'eau et de l'Esprit Saint. On peut le placer soit dans une chapelle, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'église, soit dans une partie de l'église que les fidèles puissent voir. De toutes manières, il faut qu'on puisse y rassembler un nombre important de participants. A la fin du temps pascal, c'est à l'intérieur du baptistère qu'il convient de conserver avec honneur le cierge pascal...
Le cimetière.
Bien que les chrétiens n'aient pas eu aussitôt des cimetières distincts et qu'ils aient accepté de l'usage funéraire de leurs cités tout ce qui n'était pas incompatible avec leur foi et leur espérance, on reconnaît très vite la présence de chrétiens dans les sépultures antiques, moins par la pratique exclusive de l'inhumation que par les inscriptions et l'iconographie. Dès le début du III° siècle, la communauté de Rome posséda en propre des cimetières, dont il ne nous reste aujourd'hui que la partie souterraine et dont la physionomie a été bouleversée après la paix de l'Église par suite du désir que manifestèrent les chrétiens de se faire ensevelir près des martyrs. Au moyen âge, bien des gens sollicitèrent l'honneur d'être enterrés dans l'intérieur même des églises, autour desquelles se groupèrent les autres tombes. Réunion fraternelle de tous les corps qui attendent la résurrection, le cimetière devrait proclamer cette attente et éviter la grandiloquence, la vanité, le luxe, à plus forte raison, les relents du paganisme.
Malgré les problèmes que soulève l'urbanisme moderne, l'Église continue de souhaiter, là où c'est possible, des cimetières qui lui soient propres, ou du moins un espace réservé, dans les cimetières civils, à la sépulture de ses fidèles, et recevant une bénédiction. Lorsque ce n'est pas possible, on bénit chaque tombe individuellement lors des funérailles.
Les objets consacrés au culte.
On n'énumérera pas ici en détail tous les objets destinés au culte, sur lesquels au cours des âges se sont exercés les arts mineurs, et auxquels l'Église a pu conférer éventuellement une bénédiction, ou même une consécration. C'est, semble-t-il, en Gaule, que s'est constitué leur rituel, regroupant ces diverses bénédictions à la suite des formulaires de la dédicace des églises : on le trouve à la fois dans le Missale Francorum et le Gélasien ancien, puis il a été développé et propagé par les Gélasiens du VIII° siècle et enfin par le Pontifical romano-germanique. On a déjà vu plus haut ce qui concerne les vêtements il sera question ici seulement des vases sacrés, des croix et icônes, des cloches.
Les vases sacrés.
"Parmi les objets requis pour célébrer la messe, on honore tout spécialement les vases sacrés et, parmi eux, le calice et la patène qui servent à offrir, à consacrer et à consommer le vin et le pain".
La coupe est mentionnée expressément dans les quatre récits de la Cène, et même dans les paroles de Jésus selon 1Co 11, 25 et Lc 22, 20: c'était en effet un signe biblique tant de la Passion du Christ que de l'exercice de la justice de Dieu qui récompense et qui punit. Coupe unique, à laquelle tous les convives devaient boire, selon le rituel du repas pascal, elle devient dès les épîtres de saint Paul (1Co 10, 16) le symbole de l'unité de 1'Eglise dont elle contient la grâce: c'est pourquoi les liturgies antiques devront résoudre le problème de la communion de tous les fidèles sous l'espèce du vin en sauvegardant le principe de l'unique calice sur l'autel.
Les premiers calices étaient de verre, la décoration pouvant consister en un fond peint ou doré. Mais dès l'époque de saint Augustin, on les confectionne en métaux précieux, ce qui sera désormais la règle, en dehors des temps de persécution ou de misère. De nos jours, il suffit qu'ils soient faits "de matières solides et que dans chaque région tout le monde juge nobles, ce dont la Conférence épiscopale est juge; mais on donnera la préférence aux matières qui ne se brisent ni ne s'altèrent facilement". La coupe doit être d'une matière qui n'absorbe pas les liquides et, si c'est un métal oxydable, dorée.
Quant aux "vases sacrés destinés à recevoir les hosties, comme la patène, le ciboire, la custode, l'ostensoir, etc., ils peuvent être faits d'autres matières particulièrement estimées dans chaque région, comme l'ivoire ou certains bois durs, pourvu que ces matières conviennent à cet usage sacré".
Selon le droit médiéval, qui s'est perpétué jusqu'à notre époque, le calice et la patène étaient consacrés par l'évêque avec une onction du saint Chrême. Plusieurs des formules de cette consécration étaient d'origine gallicane, d'autres étaient apparues pour la première fois dans le Pontifical romano-germanique. Le Pontifical de 1977 a remplacé la consécration par une simple bénédiction que tout prêtre peut accomplir, mais qui est entourée d'une certaine solennité et qui, normalement, se célèbre à l'intérieur de la messe, à l'offertoire; par là se manifeste la volonté de les réserver à l'usage exclusif de l'eucharistie, ce qui en fait des "vases sacrés".
Croix et icônes.
Dans la discipline moderne, une croix doit être placée sur l'autel ou près de l'autel, de manière à ce qu'elle soit bien vue de l'assemblée. Ce fut d'abord, au XII° siècle, la croix de procession, déposée contre l'autel par un sous-diacre à l'arrivée du cortège, plus tard une petite croix mise sur l'autel ou mieux une croix monumentale suspendue à l'arc triomphal.
Les images du Seigneur, de la Vierge Marie et des saints, selon l'antique tradition de l'Église, sont légitimement proposées à la vénération des fidèles. Cependant dans la liturgie latine elles ne jouent aucun rôle; il n'est prévu pour elles qu'une bénédiction et on doit éviter qu'elles soient trop nombreuses et ne détournent l'attention de la célébration elle-même.
Chez les Byzantins, au contraire, des icônes sont requises dans le lieu de culte et certains actes liturgiques doivent s'accomplir devant elles. Elles ne diffèrent pas des images occidentales seulement par ce lien étroit avec la liturgie, mais aussi par le parti artistique qu'elles vérifient et par l'attitude spirituelle des fidèles à leur égard. "Un hiératisme de l'attitude et des gestes, un refus plus ou moins affirmé d'imiter la plasticité des corps et des choses" évitent à celui qui les contemple de se laisser distraire de la pensée des réalités célestes ; "ces images portent en elles une empreinte de la nature divine de Jésus et de la sainteté". La vénération que leur donnent les Orientaux se justifie selon eux par la présence en elles d'"une parcelle de l'énergie ou de la grâce propre" aux personnages qu'elles représentent.
Les cloches.
Pour assembler les fidèles en vue de la liturgie, divers moyens plus ou moins primitifs ont été adoptés aux premiers siècles: certaines églises d'Orient sont demeurées fidèles au simandre de bois ou au sideroun, plaques suspendues que l'on frappe avec un maillet. L'usage de cloches (signum, nola, cloeea, campana) se répand vers la fin du V° ou le début du VI° siècle. Mais le moyen âge leur assignera aussi la mission d'inviter les fidèles absents à s'unir par la prière à la liturgie qui se célèbre – d'où les sonneries de cloches au cours même de la célébration, durant la prière eucharistique – et aussi pour provoquer des moments de prière privée, comme la sonnerie de l'Ave Maria ou Angélus.
C'est le Sacramentaire gélasien du VIII° siècle qui a introduit dans la cérémonie de la dédicace de l'église un Ordo ad signum ecclesiae benedicendum, peut-être d'origine gallicane, qui est demeuré essentiellement identique jusque dans l'édition de 1961 du Pontifical romain. C'était une consécration, puisqu'elle exigeait l'usage du saint Chrême. Une déformation populaire en avait fait comme un "baptême": le rite comportait en effet l'ablution de la cloche et des onctions, puis on plaçait sous elle des brûle-parfums; ces diverses actions étaient accompagnées du chant des psaumes et d'oraisons. Ces dernières montraient qu'on attendait de la cloche plus que la simple convocation des fidèles: on y voyait comme un sacramental, auquel la prière de l'Èglise conférait un pouvoir pour chasser les démons et les intempéries. Il semble que la réforme, actuellement en cours, doive réduire l'inauguration des cloches à une bénédiction solennelle qui figurera, non dans le Pontifical, mais dans le Rituel.
La dédicace des églises.
La dédicace d'une église est d'abord une fête du peuple de Dieu, qui sera appelé à s'y rassembler chaque dimanche pour la célébration de l'eucharistie. Les toutes premières dédicaces de basiliques chrétiennes, au lendemain de la paix de l'Eglise, étaient déjà exultantes de joie, au témoignage de l'historien Eusèbe:
Ensemble, tous les âges, hommes et femmes, de toute la force de la pensée, l'esprit et l'âme réjouis, glorifiaient l'auteur des biens, par des prières et des actions de grâce.
Si la fête de la dédicace trouve un tel écho dans la cité, c'est qu'elle est enracinée dans la tradition populaire. Le paganisme connaissait la dédicace d'un temple, d'un autel, d'un théâtre, d'une ville. L'Ancien Testament a connu, lui aussi, les dédicaces de stèles (Gn 28, 18), d'autels (Nb 7, 10-11, 84, 88), de maisons (Dt 20, 5), et surtout les dédicaces successives du Temple, la première que célébra Salomon (2R 8, 1-66) et la seconde au temps d'Esdras (Esd 6, 15-18). Le peuple juif célèbre aussi, chaque année, dans la fête de Hanoukka, l'anniversaire de la purification du Temple et de la dédicace du nouvel autel des holocaustes par Judas Maccabée ( 1Macc 4, 36-59). Lorsqu'au moyen âge la liturgie chrétienne de la dédicace voudra enrichir sa symbolique, elle ne manquera pas de se référer à tout ce substrat biblique.
Le rituel antique de la dédicace.
Le rituel antique de la dédicace d'une église consiste d'abord dans la célébration de l'eucharistie, à laquelle on devait bientôt ajouter la déposition des reliques des martyrs sous l'autel.
La célébration de l'eucharistie.
A travers l'évocation emphatique des rites de la dédicace des premières églises par Eusèbe, on peut deviner que, dans la première partie du IV° siècle, la dédicace d'une église consistait uniquement dans la célébration de l'eucharistie: une ample liturgie de la parole, comportant "l'audition des paroles que Dieu nous a transmises", le "chant des psaumes", et plusieurs homélies prononcées par les évêques présents, précédait "l'accomplissement de liturgies divines et mystiques", "symboles ineffables de la passion du Sauveur". Cinquante années plus tard, saint Jean Chrysostome dira: "L'autel a ceci de merveilleux que, tout en étant par sa nature une simple pierre, il est sanctifié par le fait qu'il reçoit le corps du Christ". Quand l'usage se sera répandu de déposer des reliques des martyrs sous l'autel, cette déposition apparaîtra longtemps comme un heureux complément, mais non comme une obligation. Dans sa lettre à l'évêque Profuturus de Braga, en 538, le pape Vigile distinguera encore entre les églises dans lesquelles doivent être déposées des reliques et les autres, qui sont consacrées par la seule célébration de la messe. Si la célébration de l'eucharistie suffit à la dédicace d'une église, aucun rite ne saurait la remplacer: Omnes basilicae cum missa semper debent consecrari.
La déposition des reliques des martyrs.
Très tôt l'Eglise perçut le lien qui rattache au sacrifice du Christ celui de ses témoins, les martyrs. L'Apocalypse l'avait déjà mis en lumière: "J'aperçus sous l'autel les âmes de ceux qui furent égorgés pour la parole de Dieu et le témoignage qu'ils avaient rendu" (Ap 6, 9). La déposition des reliques des martyrs sous l'autel n'est que l'expression rituelle de cette prise de conscience de la signification du martyre. Elle apparaît dès le milieu du IV° siècle. En 386, saint Ambroise rapporte à sa sœur Marcellina comment il déposa les restes des martyrs Gervais et Protais, qu'il venait de découvrir, dans la basilique où il comptait se faire enterrer un jour. Avant de déposer les corps des martyrs sous l'autel, Ambroise avait célébré une veillée de prière avec une grande affluence de peuple.
Tous les évêques n'avaient pas le bonheur de découvrir, comme Ambroise, des tombes de martyrs au moment de procéder à la dédicace d'une église. Ils étaient pourtant désireux, pour la plupart, de déposer dans le nouveau lieu de culte quelque relique de martyrs. Aussi, dès le VI° siècle, l'usage se répand-t-il de déposer des reliques figuratives, sanctuaria ou brandea, tels des linges ayant touché à une tombe sainte. Mais déjà à cette époque, bien que l'Eglise romaine y fut hostile, c'était un usage universel que de diviser les ossements des martyrs. En effet, selon une ancienne formule liturgique, "là où l'on vénère une relique, là est supposé reposer la totalité du corps". Le rite de la translation et de la déposition des reliques est demeuré l'un des plus populaires de la liturgie de la dédicace.
La lustration d'un temple païen transformé en église.
Quand on devait consacrer un temple païen au service du vrai Dieu, tel le Panthéon romain, on procédait au préalable à son aspersion avec de l'eau exorcisée. On voit saint Grégoire le Grand le prescrire à l'évêque Augustin, qu'il avait envoyé porter l'Evangile en Angleterre. Le pape Vigile en témoigne pareillement.
La célébration de la dédicace au haut moyen age.
Alors que la liturgie antique de la dédicace était d'une grande sobriété, ce rite ne tarda pas à recevoir des développements importants, tant en Gaule qu'en Orient. A partir du XI° siècle, Rome devait intégrer ces éléments à sa tradition primitive, et la célébration de la dédicace deviendrait le rite le plus fastueux de la liturgie d'Occident.
La liturgie gallo-franque de la dédicace.
En Gaule, la déposition des reliques des martyrs était précédée de la consécration de l'autel, rite plein de symbolisme et de réminiscences bibliques. De même que le croyant devient le temple de Dieu en recevant successivement les sacrements de baptême, de confirmation et d'eucharistie, il convenait qu'un autel fut lavé dans l'eau et oint de saint Chrême avant d'être paré pour qu'on y célébrât le repas du Seigneur. Derrière le symbolisme de l'initiation chrétienne se profilait aussi celui des dédicaces de l'ancienne loi (Gn 28, 18 ;Ex 29, 12 ;Ex 40,27 ;Lv 8, 10-11) et l'évocation de la liturgie du ciel (Ap 8, 4 ; 21, 14). C'est ainsi que, selon le plus ancien rituel gaulois (première moitié du VIII° siècle), l'évêque commence par bénir un mélange d'eau et de vin, avec lequel il fait l'aspersion de l'édifice, puis de l'autel; ensuite il prononce sur ce dernier une prière de bénédiction, fait avec le chrême cinq onctions sur l'autel et un certain nombre sur les murs, enfin il bénit les linges et les vases sacrés; l'autel étant paré et les lumières allumées, les reliques sont apportées avec un grand cortège de peuple, on les place sous l'autel et l'évêque célèbre la messe.
L'Ordo franc du milieu du VIII° siècle y ajoute de nombreux rites l'évêque frappe à la porte avant d'entrer ; il trace à l'intérieur l'alphabet sur le sol, ajoute du sel et des cendres au mélange d'eau et de vin, multiplie les aspersions et les onctions, tandis qu'un prêtre fait sans cesse le tour de l'autel en l'encensant. La cérémonie toute entière est prise dans une psalmodie presque continue, qui en fait la mystagogie.
La liturgie byzantine de la dédicace.
Le plus ancien témoin de la liturgie byzantine de la dédicace remonte, lui aussi, au VIII° siècle; mais certains usages qu'il décrit, telle l'onction de l'autel, sont déjà attestés à Byzance au VI° siècle et même, en Syrie, dès le milieu du IV° siècle.
La dédicace se célèbre sur deux jours. Le premier jour, le patriarche accomplit les rites de lustration de l'autel avec l'eau baptismale et il le consacre avec le myron (saint chrême) puis il déploie une nappe sur la table et l'encense longuement, ainsi que le sanctuaire, tandis qu'un évêque fait l'onction chrismale sur toutes les colonnes de l'église. La prière de dédicace conclut l'ensemble des rites, qui sont accomplis en présence du seul clergé. Le second jour, le peuple est convoqué pour participer à la veillée près des reliques des martyrs et à leur translation festive vers l'église dont on célèbre les encénies - Le patriarche dépose ensuite les reliques dans leur tombeau et il célèbre l'eucharistie, la "divine liturgie".
La liturgie romaine de la dédicace.
Au VIII° siècle, l'Ordo romain de la dédicace (Ordo 42) est resté fidèle à la tradition locale, comme en témoigne son titre: Ordo quomodo in sancta romana ecclesia reliquiae conduntur, mais il a déjà subi des influences extérieures, franques et orientales.
L'évêque se rend à l'église où on a déposé les reliques et, là, on chante une première litanie. Il dépose ensuite les reliques sur une patène (indice de la petitesse de leurs dimensions), il les confie à un prêtre, et la procession se dirige vers l'église à consacrer. L'évêque entre seul dans l'édifice avec quelques ministres. Il bénit l'eau, y verse du chrême, et fabrique le ciment qui servira à sceller le sépulcre. Puis il "baptise l'autel" avec l'eau bénite, et il revient à l'extérieur, où l'on chante une deuxième litanie. On entre ensuite dans l'église au chant d'une troisième litanie. L'évêque dépose les reliques sur l'autel, il oint les angles du sépulcre avec le chrême, y place les reliques, ainsi que trois parcelles du corps du Christ et trois grains d'encens. Ayant scellé le couvercle, il fait une onction dessus avec le chrême et oint semblablement les quatre angles de la table. Il déploie enfin une nappe sur l'autel et asperge toute l'église avec une branche d'hysope. Ces rites accomplis, on commence la célébration de la messe.
Les fastes de la dédicace du XI° au XX° siècle.
Avec l'Ordo 42 l'amalgame est accompli entre les traditions romaine et franque, celle-ci étant toute pénétrée d'influence orientale. Les siècles suivants n'y ajouteront rien de substantiel, mais ils développeront chacun des rites, multipliant les aspersions lustrales, les onctions, les encensements, qu'accompagnent antiennes et psaumes en nombre toujours croissant, au point de faire de la dédicace le rite le plus long de la liturgie romaine. Avec le pontifical du XIII° siècle, demeuré en usage jusqu'en 1961, il ne faudra pas moins d'une demi-journée pour les accomplir dans toute leur ampleur.
La dédicace selon le Pontifical romano-germarnique du X° siècle.
Le Pontifical romano-germanique du milieu du X° siècle contient deux cérémoniaux de la dédicace. Le premier opère une fusion entre l'Ordo 41 et l'Ordo 42, dont il recopie littéralement le texte, en y ajoutant tout juste deux oraisons. Le second développe le rituel précédent, en y ajoutant de nombreux textes. En voici les grandes lignes.
Le rassemblement du clergé et du peuple se fait à l'endroit où reposent les reliques des martyrs. On y chante une première litanie, et l'évêque bénit de l'eau à laquelle il mélange du sel. La procession, dans laquelle on porte les reliques, part alors vers l'église qui doit être dédiée. Les portes de celle-ci sont fermées; à l'intérieur on a placé douze cierges allumés disposés sur son pourtour. En arrivant devant la porte principale, l'évêque la heurte de son bâton, en disant : Tollite portas, mais celle-ci reste close et l'évêque fait le tour de l'édifice en l'aspergeant. Il doit réitérer son geste et faire une deuxième et une troisième fois le tour de l'église. Quand la porte s'ouvre enfin sur son ordre : Aperi, le clergé et le peuple restent dehors avec les reliques et chantent une deuxième litanie. L'évêque entre avec deux ou trois ministres. Il écrit d'abord sur le sol l'alphabet latin et l'alphabet grec avec l'extrémité de son bâton. Il procède ensuite à une nouvelle bénédiction d'eau, où il verse du sel, de la cendre et du vin. Avec cette eau bénite il trace des croix au centre et aux quatre angles de la table de l'autel, puis il fait trois fois le tour intérieur de l'église, en l'aspergeant, et il asperge enfin le milieu de l'édifice. Il dit ensuite la prière de consécration de l'église, en mode de préface. Après avoir préparé et bénit le ciment qui scellera le sépulcre des reliques, il commence les rites d'onction: par deux fois, il oint le centre et les quatre angles de la table de l'autel avec l'huile des catéchumènes, puis il l'encense. Après la seconde série d'onctions et d'encensement, il répand l'huile sur toute la table. Vient ensuite une nouvelle série d'onctions avec le saint chrême, tandis qu'un prêtre fait le tour de l'autel en l'encensant d'une manière continue. L'évêque se dirige alors vers les murs de l'église sur lesquels il fait douze onctions chrismales. De retour devant l'autel, après une nouvelle offrande de l'encens, il chante la préface de consécration de l'autel, puis il bénit les vases, les nappes et les vêtements sacrés. Il sort alors de l'église et rejoint l'assemblée des fidèles, qui est demeurée autour des reliques. La procession peut ensuite entrer dans l'église pour la déposition des reliques. L'évêque accomplit le rite à l'abri du regard des fidèles, derrière un voile qui a été tendu. Il fait des onctions de saint Chrême aux quatre angles du sépulcre avant d'y déposer les reliques avec trois parcelles du corps du Christ et trois grains d'encens. Quand les reliques ont été déposées dans la confession, l'évêque oint le couvercle à l'intérieur, il le scelle et en oint l'extérieur, puis il oint les quatre angles de la table. Après qu'un diacre a "vêtu" l'autel, l'évêque fait une ultime offrande de l'encens et il se retire à la sacristie, tandis qu'on orne l'église et qu'on allume les luminaires. Tout étant prêt, il fait son entrée solennelle dans le sanctuaire, tandis que les chantres entonnent l'introït de la messe. Précisons que chacun des rites a été accompagné de psaumes, d'antiennes et d'oraisons qui en donnent la signification mystique.
Les rites qu'on vient de décrire sommairement n'ont subi aucun retranchement depuis le milieu du X° siècle. Intégrés à la liturgie de Rome au siècle suivant, ils y ont seulement reçu quelques changements dans leur ordonnance et, au XIII° siècle, de nouvelles additions. On voit comment la liturgie romaine de la dédicace est devenue au moyen âge un véritable jeu dramatique, un jeu souvent gratuit, puisque le peuple n'en est le témoin que par intermittence. Mais, de l'accumulation des signes (l'eau, l'huile, l'encens, les flambeaux qui entourent le reliquaire) se dégage une vision sacrée de la demeure de Dieu parmi les hommes. La maison du peuple de Dieu est d'abord la maison de Dieu.
La dédicace selon le pontifical romain (1595).
Le pontifical romain de 1595 reproduit presque sans aucun changement celui qu'avait composé l'évêque de Mende Guillaume Durand à la fin du XIII° siècle. C'est donc à lui qu'il faut attribuer les derniers aménagements de la liturgie romaine de la dédicace.
La célébration commence à l'endroit ou les reliques ont été déposées. Pendant que l'évêque revêt les vêtements sacrés, on dit les sept psaumes de la pénitence. On se rend ensuite en procession, mais sans emporter les reliques, vers l'église à consacrer. L'évêque procède à la triple lustration extérieure, puis il entre accompagné de quelques clercs et des chantres. On chante alors le Veni Creator, et l'évêque accomplit les rites de prise de possession (les deux alphabets) et de lustration, que couronne une première prière de dédicace. Ces rites achevés, l'évêque retourne avec le clergé vers l'endroit où sont demeurées les reliques. La procession de translation s'organise alors avec le concours du peuple. Après un arrêt sur le seuil de l'église, où l'évêque fait une exhortation, toute l'assemblée pénètre à l'intérieur. L'évêque procède alors à la déposition des reliques, à l'encensement, et à la chrismation de l'autel et des murailles. Puis, après la vêture de l'autel, c'est la célébration de la messe. L'ensemble du rite comporte seulement quelques textes nouveaux, dont le chant d'encensement Dirigatur. Plusieurs d'entre eux sont d'origine ibérique.
Guillaume Durand a emprunté à certains manuscrits du Pontifical de la Curie romaine un Ordo de la consécration d'un autel sans dédicace de l'église, qu'il a considérablement enrichi. Il est demeuré en usage depuis lors.
La simplification de 1961.
Les temps ne sont plus où tout un peuple pouvait consacrer un long loisir a la célébration de la liturgie et la répétition des mêmes gestes lasse l'attention plus qu'elle ne nourrit la prière. Aussi une simplification de l'Ordo de la dédicace était-elle souhaitée depuis longtemps lorsque le pape Pie XII prit la décision de la réaliser. Le nouvel Ordo fut promulgué par Jean XXIII en 1961. Ses auteurs n'ont pas voulu opter entre le maintien ou la suppression des rites amalgamés dans l'Ordo médiéval. Ils se sont contenté de supprimer toutes les répétitions et de réduire l'ampleur des gestes symboliques, au détriment parfois du symbole lui-même. Le fait est perceptible dans la suppression de l'effusion de Chrême sur toute la table de l'autel. La rationalité l'a emporté sur la poésie. Du moins l'Ordo souligne-t-il l'importance de la messe, qui "fait partie de tout le rite consécratoire", mais sans oser imposer à l'évêque l'obligation de la célébrer en personne.
Le nouvel ordo romain de la dédicace (1977).
L'Ordo dedicatuinis ecclesiae et altaris promulgué par le pape Paul VI en 1977 met en œuvre certains principes qu'il convient de dégager avant d'analyser les rites.
Les principes directeurs du nouvel Ordo.
On a voulu d'abord restituer effectivement à la célébration de l'eucharistie son rôle principal dans la dédicace d'une église. Elle en est, en effet "le rite principal et même le seul nécessaire" (Praenotanda, 15), selon la tradition. C'est pourquoi les rites d'onction, d'offrande de l'encens et d'illumination ont été insérés entre la liturgie de la parole et celle de l'eucharistie, chacune des deux parties de la messe appartenant à l'essence de la dédicace. Au début de la liturgie de la parole, l'évêque inaugure solennellement la proclamation de la parole de Dieu dans le nouvel édifice, en présentant le lectionnaire au peuple avant de le remettre au lecteur. Quant à la célébration de l'eucharistie, elle fait vraiment de l'autel la table du Seigneur.
On a rendu toute sa dignité à la translation des reliques des saints en la laissant facultative, conformément, là encore, à l'usage antique. Autant celle-ci est riche de signification quand on peut ensevelir sous l'autel des reliques notables et authentiques d'un martyr ou d'un autre saint, autant manque-t-elle de grandeur s'il s'agit de reliques infimes ou inauthentiques.
C'est la même authenticité que requièrent les rites symboliques de la dédicace. En renonçant à l'accumulation des signes et à la répétition des mêmes gestes, on a voulu restituer toute leur valeur signifiante aux symboles de l'eau, de l'huile parfumée, de l'encens, de la lumière. Les paroles qui accompagnent les gestes illustrent leur relation au mystère de l'Eglise.
Le déroulement de la célébration.
La dédicace d'une église demande la participation de toute la communauté chrétienne appelée à s'y rassembler désormais chaque dimanche. Aussi est-elle célébrée de préférence le jour du Seigneur. Elle est présidée par l'évêque, entouré des prêtres en charge de la communauté, qui concélèbrent avec lui.
Quand les conditions le permettent, la célébration s'ouvre par une procession partant de l'extérieur. Celle-ci comporte éventuellement la translation des reliques. A la porte de l'église, les artisans de sa construction la remettent symboliquement à l'évêque, qui la confie ensuite au prêtre responsable et aux fidèles. Puis tous entrent dans l'église au chant du psaume 23. L'évêque prend place au siège de la présidence et il bénit l'eau, dont il asperge à la fois le peuple, les murs et l'autel, tandis qu'on chante le Vidi aquam ou un chant baptismal. Le Gloria in excelsis et la collecte clôturent les rites d'ouverture.
La liturgie de la Parole.
L'évêque ayant remis au lecteur le lectionnaire, en souhaitant "que résonne toujours en ce lieu la parole de Dieu", celui-ci proclame la première lecture, qui consiste dans le récit de la première "liturgie de la parole", célébrée à Jérusalem par Esdras au retour de l'exil (Ne 8, l-4a.5-6.8-l0). On a ensuite le choix, comme lecture apostolique et évangile, entre de nombreuses péricopes, tels les textes de saint Paul relatifs à l'Église édifiée sur la pierre d'angle qui est le Christ (Ep 2, 19-22) et son affirmation: "Le temple de Dieu, c'est vous" (1Co 3, 17), l'évocation de la Jérusalem d'en-haut (Ap 21, l-5a; 21, 9b-14), la déclaration de Jésus à Pierre: "Tu es Pierre" (Mt 16, 13-19) ou le texte johannique sur le corps du Christ Temple de la nouvelle alliance (Jn 2, 13-22).
Les rites spécifiques.
Après l'homélie et le Credo, on chante les litanies des saints et l'évêque procède, s'il y a lieu, à la déposition des reliques dans le sépulcre, que scelle un maçon. On chante les antiennes Sub altare Dei et Corpora sanctorum avec le psaume 14. Puis il dit la prière de dédicace, qui, s'inspirant de la préface ambrosienne de la Dédicace, développe la théologie du mystère de l'Église, dont l'église-édifice est le signe, et évoque tous les bienfaits que les hommes viendront chercher dans la maison de Dieu. Cette prière constitue, de fait, un doublet de la préface eucharistique qui, dans le projet initial, faisait de la Prière eucharistique l'unique prière de consécration de l'édifice et d'actualisation du sacrement du corps et du sang du Christ. On y lit, en effet: "Dieu d'immense gloire, nous te dédions dans la joie cette maison de prière, cette oeuvre de nos mains".
La prière de dédicace achevée, l'évêque répand le saint chrême au centre et aux quatre angles de la table de l'autel, qu'il peut étendre sur toute sa superficie, en signe de surabondance, demandant "que cet autel et cette demeure... expriment par un signe visible le mystère du Christ et de l'Église". Il fait ensuite douze ou quatre onctions sur les murs, tandis qu'on chante le psaume 83. Il peut s'associer des prêtres pour accomplir ce rite. C'est ensuite l'encensement de l'autel et de l'église. On place sur l'autel un brûle-parfum ou un amas d'encens mêlé de cire, auquel l'évêque allume le feu: "Comme son parfum en cette demeure, que ton Église, Seigneur, répande par le monde la joie et la grâce du Christ". Tandis que l'évêque encense l'autel, des prêtres parcourent l'église pour encenser le peuple et l'édifice. On chante le psaume 137. On procède enfin à la vêture de l'autel et à son illumination. Dans l'église elle-même on allume de nombreux cierges. L'évêque, un cierge allumé à la main, dit: "Que resplendisse dans l'Église la lumière du Christ, et que vienne tous les peuples à la lumière de la vérité". Tandis qu'on allume tous 1es luminaires de l'église, on chante le cantique de Tobie (Vulg. 13, 10.13-14 ab.14 c-15.17) ou un chant en l'honneur du Christ lumière du monde.
La liturgie eucharistique.
Tous les rites antérieurs ont en pour but de préparer l'autel à devenir la table du Seigneur. C'est la concélébration de l'eucharistie, sous la présidence de l'évêque, qui substitue aux signes la réalité du sacrement. On notera l'importance du formulaire de la préface. Elle évoque successivement "le monde entier, dont le Seigneur a fait le temple de sa gloire", le corps du Christ, né de la Vierge Marie, temple sacré "dans lequel habite la plénitude de la divinité", et l'Église bâtie sur le fondement des Apôtres, qui se construit sans cesse dans l'amour, vivifiée par l'Esprit.
Après que l'assemblée a communié au corps et au sang du Seigneur, on peut inaugurer la chapelle où sera conservée l'eucharistie, en y portant la sainte Réserve dans une procession identique à celle du jeudi saint.
L'Ordo de la dédicace contient aussi un Rituel de la dédicace d'une église où l'on a déjà l'habitude de célébrer le culte. On exige pour sa célébration que l'autel n'ait pas encore été consacré et que l'édifice ait reçu quelque modification importante. Tous les rites d'ouverture sont omis ou adaptés à la situation. Quant à l'Ordo de la dédicace d'un autel, il est à peu près identique à celui qu'on vient de décrire. Toutefois les lectures et la prière de dédicace sont propres.