Origines.
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Troisième sermon en la solennité de l'Epiphanie de notre Seigneur Jésus Christ.
[Léon Le Grand, traduction Sources Chrétiennes n°22bis]
1 - Bien-aimés, la raison de la fête d'aujourd'hui n'échappe pas, je le sais, à votre sainteté et le récit de l'Evangile vous l'a exposée comme de coutume ; cependant, pour que rien ne vous manque de ce que nous vous devons, j'oserai parler de cette fête selon ce que le Seigneur voudra bien m'inspirer ; ainsi, dans la joie commune, la piété de tous sera d'autant plus religieuse que la solennité aura été mieux comprise de tous.
La providence miséricordieuse de Dieu ayant décidé de venir dans les derniers temps au secours du monde qui périssait, détermina à l'avance dans le Christ le salut de tous les peuples. En effet, d'un côté, erreur et impiété avaient depuis longtemps éloigné toutes les nations du culte du vrai Dieu, et, de l'autre, le peuple particulier de Dieu, Israël lui-même, avait presque entièrement rompu avec les institutions de la Loi ; aussi, tous étant enfermés dans le péché, la providence divine fit miséricorde à tous. Car la justice manquait partout, et, le monde entier étant livré à la vanité et au mal, la totalité des hommes aurait été frappée d'une sentence de condamnation si la puissance divine n avait suspendu son jugement. Mais la colère se mua en indulgence, et afin que brillât davantage la grandeur du pardon accordé, il plut à Dieu, pour effacer les péchés des hommes, que ce mystère de rémission fût accordé alors que personne ne pouvait se glorifier de ses mérites.
2 - La manifestation de cette ineffable miséricorde se fit, bien-aimés, alors qu'Hérode détenait l'autorité royale chez les Juifs ; la légitime succession des rois y ayant pris fin et le pouvoir des prêtres n'existant plus, un étranger détenait le pouvoir souverain ; ainsi l'avènement du vrai Roi se trouvait appuyé par les paroles de cette prophétie : "Le sceptre ne s'éloignera pas de Juda ni le chef de sa descendance, jusqu'à la venue de celui à qui il est réservé, et celui-là sera l'attente des peuples". Il s'agissait de ces peuples dans la descendance innombrable qui avait été autrefois promise au saint patriarche Abraham, descendance qu'engendrerait non une semence de chair, mais la fécondité de la foi, descendance comparée à la multitude des étoiles, pour que, ainsi, le père de toutes les nations espérât une postérité non terrestre, mais céleste. Pour donner naissance à cette postérité promise, des héritiers signifiés par les astres sont alertés par le lever d'un nouvel astre ainsi celui à qui le ciel avait fourni son témoignage recevait du ciel hommage et service. Une étoile plus brillante que les autres étoiles met en émoi des mages habitant le lointain Orient ; ces hommes qui n'étaient pas sang savoir contempler de tels spectacles comprennent à l'éclat de cette étonnante lumière l'importance de ce qu'elle annonce ; c'est l'inspiration divine, sans aucun doute, qui agit dans leurs coeurs pour que le mystère contenu en une telle vision ne leur échappe pas, et que le spectacle insolite qui frappait leurs yeux n'ait rien d'obscur à leurs esprits. Enfin la piété anime leur obéissance, et ils se munissent de présents par lesquels ils entendent montrer qu'en adorant un seul, ils ont foi en trois ; par l'or qu'ils offrent, ils honorent celui qui est roi, par la myrrhe celui qui est homme, par l'encens celui qui est Dieu.
3 - Ils pénètrent donc dans la principale cité du royaume des Juifs et, dans la ville royale, demandent qu'on leur montre celui dont ils avaient appris qu'il avait été créé pour régner. Hérode s'inquiète, craint pour sa sécurité, redoute pour son pouvoir, s'enquiert auprès des prêtres et des docteurs de la Loi de ce que l'Ecriture a prédit au sujet de la naissance du Christ, apprend ce qui a été prophétisé la vérité éclaire les mages, l'infidélité aveugle les maîtres ; l’Israël charnel ne comprend pas ce qu'il lit, ne voit pas ce qu'il montre ; il se sert de livres dont il ne croit pas les paroles. " Où est donc, ô Juif, ton titre à te glorifier ? " Où est la noblesse que tu devais à ton père Abraham ? " Est-ce qu'avec ta circoncision, tu n'es plus qu'un incirconcis ? " "Voici que toi, l'aîné, tu deviens l'esclave de ton cadet ", et que tu te mets au service d'étrangers qui entrent en part de ton héritage, en leur lisant le testament dont tu ne retiens que la lettre.
Qu'entre donc la plénitude des nations, qu'elle entre dans la famille des patriarches ; et que les fils de la promesse reçoivent la bénédiction de la race d'Abraham à laquelle renoncent les fils selon la chair. Que tous les peuples, en la personne des trois mages, adorent l'Auteur de l'univers, et que Dieu ne soit plus connu seulement en Judée, mais aussi dans le monde entier, afin que partout, " en Israël grand soit son nom ". En effet, de même que, par son infidélité, le peuple juif a montré que ses descendants avaient dégénéré de sa dignité de peuple élu, de même la foi rend celle-ci commune à tous.
4 - Après avoir adoré le Seigneur et satisfait leur dévotion, les mages, selon l'avis reçu en songe, s'en retournent chez eux par une autre route que celle par laquelle ils étaient venus. En effet, croyant désormais dans le Christ, il fallait qu'ils ne marchent plus par les chemins de leur ancienne vie, mais que, engagés sur une nouvelle route, ils s'abstiennent des erreurs qu'ils avaient quittées. Il fallait en outre que soient rendues vaines les manœuvres d'Hérode qui, sous couleur de zèle, préparait une ruse impie contre l'enfant Jésus. Aussi, son plan avorté et son espoir trompé, la colère du roi s'enflamme de fureur. Se rappelant la date qu'avaient indiquée les mages, il déverse sa rage et sa cruauté sur tous les enfants de Bethléem et, dans un massacre général, fait périr tous les nouveau-nés de la ville, les faisant ainsi passer à la gloire éternelle ; il pense qu'aucun enfant n'ayant échappé à la mort en ce lieu, le Christ lui aussi aura été tué. Mais lui, qui réservait pour un autre temps l'effusion de son sang pour la Rédemption du monde, avait gagné l'Egypte, transporté là par les soins de ses parents ; il regagnait ainsi l'antique berceau du peuple hébreu, et y exerçait le commandement du véritable Joseph en usant d'un pouvoir et d'une prévoyance plus grande que la sienne, car il venait délivrer les cœurs des Egyptiens de cette faim, plus terrible que toute disette, dont ils souffraient par l'absence de la vérité, lui qui était le pain de vie et la nourriture de l'âme venu du ciel. Et, de la sorte, ce pays ne serait pas étranger à la préparation du mystère de l'unique victime, où, par l'immolation de l'agneau, avaient été préfigurés pour la première fois le signe salutaire de la croix et la Pâque du Seigneur.
5 - Instruits de ces mystères de la grâce divine, bien-aimés, célébrons donc avec une joie éclairée le jour qui est celui de nos prémices et celui où commença l'appel des païens ; remercions le Dieu miséricordieux qui, selon les paroles de l'Apôtre, "nous a rendus dignes de partager le sort des saints dans la lumière, nous a arrachés à l'empire des ténèbres et transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé " ; en effet, comme l'avait annoncé Isaïe, "le peuple qui se tenait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et, sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre de la mort, la lumière s'est levée". C'est à leur sujet que le même Isaïe dit au Seigneur : " Des nations qui ne te connaissaient pas t'invoqueront ; des peuples qui t'ignoraient accourront vers toi. Abraham a vu ce jour et il s'est réjoui, lorsqu'il a connu que ses fils selon la foi seraient bénis dans sa descendance, à savoir le Christ, et qu'il s'est vu dans la foi le père à venir de tous les peuples ; "Il rendit gloire à Dieu, dans la persuasion que ce qu'il a une fois promis, il est assez puissant pour l'accomplir ".
Ce jour, David l'annonçait dans les psaumes, lorsqu'il disait "Toutes les nations que tu as faites viendront. t'adorer, Seigneur, et rendre gloire à ton nom " ; et encore "Le Seigneur a fait connaître son salut, aux yeux des nations révélé sa justice. Cela s'est réalisé, nous le savons, dans le fait que trois mages, appelés de leur lointain pays, furent conduits par une étoile pour connaître et adorer le Roi du ciel et de la terre. La docilité de cette étoile nous invite à imiter son obéissance et à nous faire ainsi, autant que nous le pouvons, les serviteurs de cette grâce qui appelle tous les hommes au Christ. Quiconque, en effet, vit pieusement et chastement dans l'Eglise, qui songe aux choses d'en-haut, non à celles de la terre, est d'une certaine façon semblable à cette lumière céleste ; tant qu'il conserve lui-même l'éclat d'une sainte vie, il montre à beaucoup, comme une étoile, la voie qui mène à Dieu. Animés par ce zèle, vous devez vous appliquer, bien-aimés, à vous être tous utiles les uns aux autres, afin de briller comme des enfants de lumière dans le royaume de Dieu auquel on parvient grâce à la foi droite et aux bonnes œuvres ; par notre Seigneur Jésus-Christ, qui, avec Dieu le Père et l'Esprit-Saint, vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.